Résumé de la 2e partie n Dekker, un ami que Mimile s'est fait en prison, promet de le libérer. Pour cela, il dépêche une intermédiaire qui lui demande de simuler la folie… Pourtant, bien qu'il ait un nombre impressionnant d'agressions à son actif et qu'il ait déjà tué, Émile Buisson n'est pas vraiment considéré comme dangereux. L'administration pénitentiaire le sous-estime. Cela tient peut-être à son physique. Il est très robuste et l'a prouvé en assommant un gardien, mais il n'a rien d'impressionnant : il est petit (un mètre cinquante-neuf), maigre, sec, ses cheveux très bruns sont toujours bien coiffés, sa mise soignée. Il n'y a que ses yeux qui pourraient trahir sa personnalité, des yeux très noirs, animés parfois d'un éclat impitoyable. Un de ses amis lui a dit un jour : — Toi, Mimile, ce qui te perdra, ce sont tes yeux. Mais personne n'a fait jusque-là attention au regard d'Émile Buisson et, de toute manière, en cet immédiat après-guerre, les services de police sont désorganisés ; leur principal souci est la chasse aux anciens collaborateurs. Toutes ces raisons expliquent son placement à l'hôpital psychiatrique de Villejuif, un établissement vétuste, totalement inadapté à la garde des prisonniers, qu'on peut sans hésitation qualifier de passoire. Le libérer n'est qu'un jeu d'enfant pour ses complices : il leur suffit de lui faire passer une échelle, avec laquelle il escalade le mur d'enceinte. Il s'évade en compagnie d'un autre détenu : René Giner, qui fera carrière dans le banditisme sous le nom de «René la Canne», et un véritable fou, qu'ils abandonnent une fois dehors. Une voiture attend Émile. Son frère Jean-Baptiste est au volant. A sa demande, René Giner se fait déposer à l'entrée de Paris : il préfère tenter sa chance de son côté. Les deux frères, eux, s'installent dans une planque rue Bichat, que Jean-Baptiste estime sûre. La nouvelle de l'évasion ne provoque pas de branle-bas dans la police. Émile Buisson est recherché, mais sans zèle excessif : il y a tant de choses à faire en cette période troublée ! Émile ne perd pas de temps. Il reconstitue aussitôt une nouvelle bande avec son frère, Russac, Dekker et Francis Guillo, dit «P'tit Francis», un de ses anciens codétenus, qui s'est évadé le 18 juillet de Fresnes... Être en cavale coûte cher. Il faut de l'argent immédiatement. Émile Buisson, qui est une fine gueule, se souvient d'avoir fait de délicieux repas à l'auberge d'Arbois, un restaurant de la rue Lesueur, dans le XVIIe arrondissement. Il se souvient aussi de la richesse de la clientèle : il y a là un coup facile et rentable à faire. Le 9 septembre 1947, six jours seulement après l'évasion, les cinq hommes de la bande font irruption dans l'établissement, pistolet et mitraillette au poing. Il est 20h 30 et il ne leur faut pas longtemps pour délester les dîneurs de leur argent et de leurs bijoux. Ils font pourtant les choses consciencieusement comme une femme n'arrive pas à retirer sa magnifique bague en diamants, Émile Buisson l'emmène aux toilettes où il lui savonne le doigt. Et, leur coup fait, ils se retirent en tirant des coups de feu. La suite est mouvementée. L'alerte est rapidement donnée et, comme la voiture qu'ils ont volée est poussive, ils sont vite rattrapés par deux motards. L'un est blessé par Émile Buisson, l'autre renversé par Jean-Baptiste, qui est au volant. Émile a alors une réaction inouïe : il demande à son frère de s'arrêter et descend avec sa mitraillette pour achever le policier coincé sous sa moto. Mais son arme s'enraye, ce qui sauve la vie du motard. (à suivre...)