Réda Taliani qui a clôturé dimanche la 2e soirée du festival a été lui-même surpris par l'accueil que le public lui a réservé. Pour une 3e participation depuis sa révélation avec Joséphine ma derti fiya, il s'est vraiment surpassé côté ambiance. A tel point qu'il n'a pas voulu lâcher le micro, faisant poireauter l'animateur pour lequel les organisateurs ont confié la charge de mettre fin, tard dans la nuit, à la ferveur de l'artiste qui découvre réellement et sans doute pour la première fois ce que peut être une symbiose avec le public qui l'a accompagné tout le long de sa prestation. C'est sans doute parce qu'il est l'un des chanteurs qui ont le mieux capté les soucis des jeunes de la toute nouvelle génération chez qui le rêve de traversée maritime clandestine est le seul espoir pour lequel ils vivent. Ya lbabor ya mon amour/ Kherredjni mella misère / Fi bladi rani mehgour (littéralement : bateau mon amour / sors-moi de la misère / dans mon pays je suis " victime ", (terme proche). Ce glissement de l'objet de l'amour vers un moyen de transport supposé être libérateur est symptomatique comme l'est le paradoxe de l'amour pour un pays qu'on veut fuir. En effet, dans ses dédicaces au public oranais, à son club phare, il est aussi question d'Algérie et de tous les Algériens. Avec les harraga (émigrants clandestins), le thème de la mer est revenu en force dans les textes. El Bahri est un autre succès du chanteur qui s'est également essayé aux complaintes traditionnelles (aman aman) pour mettre en avant ses capacités vocales ou alors son endurance dans le rythme avec Ya moulana. Réda Taliani qui chante, peut-être en populiste, Hadi halet Zaouali (ceci est la situation du pauvre) reprend tels quels les clichés d'un avenir meilleur ailleurs et entretient le mythe. Ya lbahri dini mâak leblad nour/ hna rani ghir ndour (Marin laisse-moi partir avec toi/ emmène-moi au pays de la lumière). Il pense par ailleurs, mais sûrement pas au sens politico-religieux du terme, que les Algériens sont des kamikazes, gaâ itirou (tous sont forts) car s'ils ne peuvent pas s'envoler dans un avion, ils se faufileront dans un bateau. Le thème des harraga a par ailleurs été évoqué dès le début de la soirée avec cheb Mourad, un des deux chanteurs de la catégorie amateur qui a ouvert le bal avec Chalutier mqalâ fih / Alméria Ouala Alicante / Neglâa galbi nriski omri/ la khedma oualou felcompte (J'embarque dans un chalutier / pour Almeria ou Alicante / je n'écouterai pas mon cœur et je risque ma vie / car sans travail et rien dans le compte). Après cheb Mohamed qui n'a pas su captiver, Hassan a rendu hommage à Hasni avec l'éternel Mazal kayen l'espoir (il y a encore de l'espoir), un refrain repris même à un plus haut niveau du monde politique, notamment lors des campagnes électorales. A propos de politique, on signalera que cheb Houari Mazouzi, dans la lignée de cheb Abdou et le style meddahate, a paradoxalement (au medh) malmené Sarkozy qu'il cite nommément. Il a succédé à Nani, l'une des vedettes locales, un faiseur d'ambiance avec son titre Rendit (déformation linguistique de : je me suis rendu). Rendit / âlik ntiya koulit/ dépassiti les limites, etc. Des petites rimes sans grande prétention pour parler des choses simples de la vie.