Zahouania a clôturé tard dans la nuit de vendredi (même si sa prestation est prise en charge par la manifestation Alger capitale de la culture arabe) le Festival du raï en présence de deux représentants du ministère de la Culture qui ont assisté à toute la soirée. Depuis son institution-nalisation, le festival s'est engagé à contribuer à faire émerger de jeunes talents (garçons et filles) qui devront faire leurs preuves face à un jury prévu à cet effet. Cette année, les deux représentants de Mme la ministre de la Culture ainsi que Hadj Méliani et cheikh Abdellaoui, respectivement commissaire du festival et président du jury, ont récompensé 4 lauréats (ex æquo deux par deux) : Faïza, Sophie, Houari Baba et Kadirou à qui on a donné la chance de se produire encore une fois devant le public. La première a brillé avec Mission impossible, son tout dernier album qu'elle a réinterprété à l'occasion. Dans la catégorie invités, le choix a été porté durant cette soirée sur Noredine Allan, un chanteur du chaâbi qui a été, lui aussi, étonné par la réception du public dont il découvre l'ouverture d'esprit, contrairement à une idée reçue. De l'adaptation à une instrumentation moderne de Bahr etouffane, qui a fait la renommée de Boudjemâa El Ankis, au classique Chahlat laâyani, l'adhésion était remarquable pour le bonheur de l'artiste algérois qui s'y produit pour « une première fois » dont il se souviendra, sans doute, pendant longtemps. Après Kadirou qui a enchaîné pêle-mêle plusieurs tubes d'été (pas uniquement le dernier), l'animatrice a annoncé une surprise. Bouteldja-Bellemou Absent à l'ouverture, Belkacem Bouteldja n'a pas raté la soirée de clôture et de quelle manière ! Parce qu'il a été accompagné par le trompettiste de son époque, Messaoud Bellemou, auquel le découvreur de talents anglais Nick Gold (qui a lancé le guitariste malien Ali Fouka Touré) a déjà enregistré un album. Bellemou-Bouteldja aurait pu être le duo de rêve mais si le premier a brillé par sa trompette en sourdine, la voix du second semble être irréversiblement rouillée et sa mémoire n'a gardé que les mêmes titres qui ont fait de lui, à son époque, il y a près de 40 ans, une des premières jeunes stars du raï. Aujourd'hui, une certaine mélancolie se dégage de la prestation de l'artiste et les éternels Sid El Hakem ou Ezzerga ; des titres qu'il reprend chaque saison et qui sonnent juste comme des éclats de mémoire. Pas vraiment dans le même registre, cheikh Benfissa, de retour sur scène pour cette soirée de clôture, a insisté pour mettre en valeur l'un des chantres du chiir el melhoun, Abdelkader El Khaldi, comme pour dire que le retour aux sources (lui-même évoluant en France) est une exigence pour mieux évoluer. Dans cet univers de jeunesse qui caractérise autant le public que les artistes participants, cheikh Benfissa, comme d'autres artistes de la même trempe, est venu apporter la preuve d'une continuité entre les générations. BENFISSA, LE BRISCARD C'est sans doute cette idée qu'a voulu mettre en avant cheb Yazid (qui s'est impliqué dans l'organisation du festival) en convoquant Bellemou, Bouteldja, Benfissa et lui-même pour interpréter ensemble, chacun avec son propre cachet, une chanson : Rani m'hayer. Cheb Yazid a eu ensuite à assurer un spectacle en solitaire, au milieu de ses claviers, aidé par le percussionniste Djamel du groupe Liberté, dont les musiciens ont dû quitter la scène pour laisser place à l'orchestre de la Radio qui devait accompagner Zahouania. Juste auparavant, le chanteur chaoui Massinissa a assuré une belle petite prestation en interprétant un cocktail sur un rythme kabyle avec en sus un passage d'une chanson des moins connues de Idir (Chtedouyi) et un autre titre de son répertoire profondément ancré dans la tradition des Aurès. Après cela, il ne manquait que Zahouania dont le nom a été revendiqué auparavant par le public qui sait, par ailleurs, qu'elle a « fait une hadja » (pèlerinage aux Lieux Saints). Elle fait son entrée avec une assurance hors du commun. Pourtant, depuis que les publics des autres régions d'Algérie l'ont adoptée, et que ses cachets ont flambé, elle fait de moins en moins d'apparitions à Oran, une ville où elle garde néanmoins des attaches solides. Partie en France, presque par contrainte après l'assassinat de Hasni, elle est revenue très vite comme si elle ne pouvait survivre sans ses repères. Elle a fait, en effet, le bonheur des publics où elle se produisait à une époque très difficile et hormis sa voix spécifiquement rauque, c'est en partie grâce à cette fidélité qu'elle doit être récompensée. Ila lqitah djibah ouarouah (si tu le trouves ramène-le moi) est le premier titre avec lequel elle entame son show. « Est-ce que vous êtes tous là ce soir ? », interroge-t-elle ensuite et en français. Elle voulait sans doute s'assurer que le long répertoire, fruit d'une longue expérience qu'elle n'a pas beaucoup renouvelée, qu'elle s'apprêtait à étaler ne soit pas des paroles en l'air.