Le suspense aura été de courte durée : d'un appel à la négociation assorti d'une menace exprimée le 1er août 2007, le syndicat de l'entreprise Arcelor Mittal Annaba est passé au préavis de grève. Annaba. De notre bureau Pour Kouadria Smaïn, le secrétaire général de ce syndicat, « le recours à la grève ne fait aucun doute. Elle sera illimitée à partir du 22 août 2007 à 5h. Nous avons la conviction que l'employeur ne fera rien durant le préavis de grève que nous avons lancé. A l'heure où je vous parle (hier en fin d'après-midi, ndlr), nous n'avons aucune réponse de la direction générale du groupe, seule habilitée à prendre des décisions en ce qui concerne notre plateforme de revendications. Notre demande d'établissement d'un organigramme fait apparemment peur à l'employeur ». L'idée d'une grève générale illimitée était dans l'air au siège du syndicat de l'entreprise depuis le 14 octobre 2006. Depuis précisément l'émission par la direction générale de sa lettre d'information. Dans ses conclusions, le bureau d'études international Price Waterhouse Coopers (PWC) avait avancé cinq recommandations. Les deux plus importantes portent sur la réorganisation de la société par rapport aux normes et standards internationaux avec mise en place d'organigrammes. Le renforcement qualitatif des prestations des structures supports et la rationalisation de leurs effectifs. Dix mois plus tard, il a tenté de mettre en application une seule, celle portant rationalisation des effectifs. Fin juillet 2007, l'employeur lance son appel à plus de 2600 travailleurs retraitables pour un départ anticipé que la société devait encourager par le versement d'une indemnité compensatoire de 600 000 DA à chaque agent. Cet appel a mis le feu aux poudres chez les syndicalistes. Ces derniers s'attendaient à la mise en route de la première recommandation portant sur l'établissement des organigrammes. Ils avaient fait connaître leur point de vue et précisé que celle-ci était une condition sine qua non pour rentabiliser des réserves de production estimées à 500 000 t/an. Des engagements non tenus Ils avaient également souligné que tout départ à la retraite ne devait pas signifier la suppression systématique du poste de travail. Le rapport de PWC évaluant la gestion globale de la société a fourni des analyses à profusion. Le revirement brutal de la direction générale du groupe Arcelor Mittal à Londres, fort de sa position de leader mondial de l'acier, ses plus de 220 000 travailleurs de 45 différentes nationalités, est motivé par la fin des engagements pris par les Indiens de Mittal Steel le 18 octobre 2001. Le contrat signé avec le gouvernement algérien leur interdisait, entre autres, toute compression des effectifs de quelque forme que ce soit durant cinq années. Ce revirement a entraîné le mouvement de colère des 8000 travailleurs de Annaba à l'origine du débrayage du 1er août 2007. L'événement n'est pas passé inaperçu. Il est d'importance. Le 9 août, les syndicalistes infligent l'une des plus cinglantes reculades à leur employeur en l'amenant à retirer son appel au départ. De son bureau de Londres, Lakhsimi Mittal ne cachait plus son agacement et ses craintes. Il l'a fait savoir par l'entremise de son directeur des ressources humaines zone Afrique/Asie qu'il a dépêché à Annaba. Mis face aux syndicalistes, ce dernier n'a pu que constater la détermination de ses interlocuteurs. Hier, il a relevé qu'ils étaient également décidés à dépoussiérer des dossiers de contentieux mis en veilleuse dans le cadre d'un plan de « paix sociale ». Au nombre de ces contentieux figurent en bonne place l'absence d'organigrammes et le sentiment d'insécurité socioprofessionnelle qui règne encore parmi plus de 8000 travailleurs. Hier, les syndicalistes ont décidé de riposter en s'opposant sur tous les fronts et, à partir du 22 août, sur le terrain de la confrontation. Il s'agit là de la plus importante décision syndicale depuis que le complexe sidérurgique d'El Hadjar, un des fleurons de l'industrie algérienne, a été cueilli par des mains étrangères. La teneur du préavis ne laisse aucune place à l'ambiguïté. Les syndicalistes d'El Hadjar, menés par leur secrétaire général par intérim, Smaïn Kouadria, ne veulent plus entendre parler de cellule d'écoute. Ils l'ont précisé dans la correspondance adressée hier au président directeur général d'Arcelor Mittal lorsqu'ils affirment : « (...) Le syndicat ne rompt pas le dialogue et se dit prêt à répondre à toute sollicitation émanant de l'employeur pour entamer les négociations. » Des syndicalistes qui affirment que leur PDG se trompe de guerre en étant obnubilé par un sureffectif qui n'existe réellement pas à Arcelor Mittal Algérie. Cette crise ne joue pas en faveur de l'employeur. Ce dernier devrait faire déplacer une importante délégation sur Tindouf via Alger le 30 août 2007. Composée de plusieurs proches collaborateurs du big boss et d'experts, la délégation devrait se rendre à Ghar Djebilet. Ils auront entre les mains le dossier portant expertise approfondie et minutieuse du minerai de fer de Ghar Djebilet. Cette expertise avait été réalisée par la défunte entreprise Sider. Elle avait duré une dizaine d'années et coûté au Trésor public algérien plusieurs milliards de dinars. Comment cette expertise s'est-elle trouvée entre les mains du PDG d'Arcelor Mittal qui n'a officiellement pas versé un seul écu ou un dollar à l'Etat algérien pour en disposer ?