Lorsque le président de la République avoua publiquement qu'il avait honte des villes algériennes, tant elles croulent sous la saleté, et qu'il n'osait faire visiter la capitale aux chefs d'Etat, nous pensions que cette colère allait conduire le gouvernement à se saisir de cette question et élaborer en toute urgence une loi sur l'hygiène publique avec son corollaire une stratégie d'envergure d'assainissement des cités, villages et douars. L'exécutif n'avait rien à inventer, il avait à sa disposition les expériences des grandes villes méditerranéennes qui forcent l'admiration par la qualité de leur environnement. Or la colère du chef de l'Etat resta sans écho et l'inertie prit le dessus par on ne sait quel réflexe. Pourtant, comme la sécurité, la propreté garantit la vie. C'est elle qui distingue de l'ordre animal et c'est elle qui fait immerger dans la culture. Depuis des décennies, l'Algérie se cramponne à un schéma d'organisation complètement dépassé. Le ramassage des ordures est dévolu aux APC qui arrivent à peine à se doter ou sous-traiter chez le privé deux ou trois camions. A Alger, les moyens de Netcom sont sans commune mesure avec la titanesque tâche de nettoyage quotidien d'une ville de trois millions d'habitants. Dans tout le pays, il suffit de regarder autour de soi, le minimum n'existe pas. Les ordures sont entassées en tous lieux, à n'importe quelle heure de la journée. Rares sont les endroits appropriés de dépôt des sachets poubelles et peu de villes assurent les rotations de ramassage voulues. Ne voyant aucun changement, les citoyens ont fini par développer l'exécrable réflexe de jeter leurs ordures n'importe où, généralement sur le trottoir ou sur un terrain vague mitoyen du domicile. Dans certaines cités, elles sont carrément balancées par les balcons. Les entreprises et les commerçants ne font guère mieux. Les gravats tirés des travaux de réfection s'entassent partout et aucune autorité n'est curieusement habilitée à les enlever. La passivité et la permissivité des pouvoirs publics ont fini par faire perdre chez l'Algérien la notion d'intérêt public. N'est-il pas alors aujourd'hui temps de réagir avant que l'Algérie ne se transforme en un vaste « Oued Smar » ? L'heure est aussi venue de réhabiliter le balai et la serpillière dans les lieux publics. Le wali d'Alger a été interpellé sur la gravité atteinte par l'insalubrité publique dans la capitale. Les efforts faits ces dernières années se sont révélés dérisoires. Il apparaît nécessaire de passer la vitesse supérieure, c'est-à-dire ne plus confiner la question de la salubrité publique aux seules collectivités locales et à quelques EPIC de nettoiement : cette question doit relever du gouvernement et concerner au moins l'Intérieur, la Santé, l'Environnement et l'Aménagement du territoire. Ce dernier ministère a un rôle tout particulier à jouer car susceptible de l'intégrer dans une vision globale. L'éradication du sachet plastique noir destiné à l'emballage des aliments a été une belle réussite. Il convient d'agir dans cette lancée en intégrant, en symbiose, trois dimensions : le juridique, l'opérationnel et la sensibilisation. Pour qu'enfin on en finisse avec cette détestable remarque de tout visiteur étranger de notre pays : « L'Algérie est un beau pays mais hélas sale. » Et pour que nous, enfants de cette contrée, puissions enfin respirer de l'air sain.