Le Premier ministre irakien, Nouri Al Maliki, a protesté avec virulence, lors d'une conférence de presse, contre les propos de M. Kouchner et a exigé des « excuses » de Paris, alors que M. Kouchner vient d'effectuer une visite inédite à Baghdad. « Récemment nous avons reçu le ministre français. Nous étions heureux de sa venue et nous étions optimistes quant au fait que cette visite marque le début d'une nouvelle relation », a déclaré M. Maliki. « Du coup, nous avons été surpris que le ministre fasse une déclaration qui en aucune manière ne peut être qualifiée de “diplomatie”, quand il a appelé au remplacement du gouvernement » irakien, a-t-il ajouté. M.Al Maliki s'est ensuite engagé dans une critique générale de la politique de la France en Irak, l'accusant de se ranger du côté des partisans de l'ancien dictateur Saddam Hussein. « Par le passé, vous avez soutenu l'ancien régime (de Saddam Hussein, ndlr). Aujourd'hui nous étions satisfaits et c'est le moment que vous choisissez pour apporter votre soutien aux partisans de l'ancien régime. Nous exigeons des excuses du gouvernement français », a-t-il clamé. M. Al Maliki a également protesté contre Hillary Clinton et un autre sénateur américain, qui ont réclamé son remplacement. Dans l'interview à Newsweek, le chef de la diplomatie française a estimé que le Premier ministre irakien « doit être remplacé » et a plaidé en ce sens auprès de la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, selon un entretien accordé à Newsweek. « 6000 ans de violences » « Beaucoup de gens pensent que le Premier ministre devrait être changé. Mais je ne sais pas si cela va se produire, parce qu'il semble que le président (américain George W.) Bush est attaché à M.Al Maliki. Mais le gouvernement ne fonctionne pas », a déclaré M. Kouchner à l'édition en ligne de l'hebdomadaire américain du 24 août. Interrogé sur l'existence d'un « fort sentiment » en Irak en faveur d'un départ de M. Al Maliki, il ajoutera : « Oui. Je viens d'avoir (la secrétaire d'Etat) Condoleezza (Rice) au téléphone il y a dix ou quinze minutes et je lui ai dit : “écoutez, il doit être remplacé”. » Il a ajouté qu'il y avait « un soutien » important « par exemple » pour un des vice-présidents irakiens, Adel Abdel Mahdi, qui est « impressionnant, et pas seulement parce qu'il a étudié en France. Il est solide. Parmi les personnes disponibles, il est largement perçu comme celui qui doit avoir le poste », a encore déclaré M. Kouchner, qui s'exprimait en français et dont les propos ont été traduits par Newsweek. Il a estimé qu'après « 6000 ans de violences », « le nombre de morts au quotidien à Baghdad ou dans le pays n'intéresse pas beaucoup (les Irakiens). Si vous ne comprenez pas ça, vous ne comprenez rien, c'est une des erreurs que les Américains ont commises ». Il a également ajouté que l'Irak « est un creuset pour des violences encore plus graves au niveau régional et mondial. C'est la mondialisation de la terreur, tout le monde est là, et pas seulement Al Qaïda, il y a une contagion ». Le ministre français a précisé qu'il ne s'était pas rendu en Irak « à la demande » des Américains. Il a reconnu que ce déplacement pouvait être perçu comme « un signal fort » par les Etats-Unis mais que ce n'était pas le but recherché. « On a écouté tout le monde, et en résumé ce n'est pas très optimiste », a-t-il encore dit de sa visite. Hier, le ministère français des Affaires étrangères a cherché à minimiser la portée des critiques de son ministre Bernard Kouchner contre le Premier ministre irakien, en assurant qu'il avait fait « référence aux débats en cours » en Irak.