Le P-DG de la firme suisse, Daniel Vasella, l'a annoncé dans un entretien accordé au quotidien britannique Financial Times. La compagnie bâloise annule ses investissements fixés à un montant de plusieurs centaines de millions de dollars. Le laboratoire renonce à investir dans la recherche et développement en Inde au profit d'autres pays, notamment la Chine où Novartis a lancé la construction d'un centre R & D de 400 chercheurs. « Ce jugement n'est pas une invitation à investir dans la R & D en Inde. Nous investirons davantage dans des pays qui nous offrent la protection. Ce n'est pas une punition, mais une question de culture d'investissement. Achèteriez-vous une maison tout en sachant que des intrus y entreront par effraction et dormiront dans votre chambre à coucher ? », a ajouté Daniel Vasella. Cette décision fait suite à un arrêt rendu à l'encontre de Novartis par la justice indienne. La Haute cour indienne, en date du 6 août, déboutait la multinationale de sa demande tendant à faire déclarer illégale, la décision du gouvernement indien d'empêcher le brevetage de son médicament anticancer Glivec, ainsi que la législation sur laquelle s'appuie ce refus. Le groupe pharmaceutique suisse voulait protéger le produit par un brevet, mais une cour inférieure avait déjà estimé que c'était un cas d'evergreening. Il ne s'agissait que d'une version modifiée d'un médicament en vente, qui n'apporte pas de réelle innovation ou gain d'efficacité par rapport à des produits ou procédés précédents. Novartis a attaqué la section 3(d) de la loi indienne sur les brevets. Le groupe prétend qu'elle n'est pas conforme à l'accord de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), sur les aspects contenus dans l'accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). La Haute cour du district de Chennai s'est déclarée incompétente pour décider si la loi indienne était conforme ou non aux règles de l'OMC. La Fédération internationale de l'industrie du médicament (FIIM), qui regroupe les grands laboratoires et autres fabricants des produits pharmaceutiques, déplore cette décision. Le géant suisse ne compte pas faire appel, estimant que le dossier est du ressort de l'OMC. Car seul un Etat peut citer un autre devant l'OMC. La Suisse jouera-t-elle ce rôle ? Ce n'est pas sûr. La Confédération helvétique, qui veut développer son commerce avec l'Inde, n'a pas d'intérêt stratégique à recourir à l'OMC. Elle vient de signer un protocole d'accord sur la protection de la propriété intellectuelle avec l'Inde. La question sera soulevée dans ce cadre et non devant l'OMC, selon Félix Addor, de l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle. Il n'exclut cependant pas, des mesures plus contraignantes si Berne est convaincue que l'Inde viole systématiquement les règles internationales. Les organisations non- gouvernementales (ONG) accusent les pays riches de verrouiller les accords sur la propriété intellectuelle pourtant censés être souples « en cas d'urgence sanitaire », depuis ceux conclus en 2001 (à Doha) et en 2003 (à Genève) à l'Organisation mondiale du commerce. La FIIM a rejeté ces accusations en estimant que 95% des médicaments essentiels vendus dans le monde ne sont pas soumis à un brevet. Le groupe Novartis sera-t-il suivi par les autres laboratoires ? Les multinationales laisseront-elles le marché du médicament, estimé à 20 milliards de dollars contre six milliards actuellement, aux seuls Indiens ? Comment financer la recherche tout en garantissant l'accès du plus grand nombre aux médicaments essentiels ? La question est posée. Elle est vitale pour de nombreux malades issus, en grande majorité, des pays pauvres.