Nabil gara sa voiture près de son domicile, mais il restait inquiet de ce qui pourrait arriver. Dehors, les enfants continuaient de crier et de s'engueuler, et sûrement de se jeter les pierres les uns sur les autres, malgré le fait qu'il leur avait dit d'arrêter ce jeu dangereux et qu'ils semblaient l'avoir fait pour un moment. Terrible, les rues sont pleines de cailloux ; terrible, les enfants se lapident sous les yeux des adultes, sans que l'un d'entre eux bouge le petit doigt. Aussi, l'oreille tendue à l'extrême, lorsqu'il entendit un bruit de verre brisé, il ressortit illico presto. Et ce qu'il avait craint, arriva : le pare-brise avait reçu en plein milieu un gros caillou, et la toile de bris, qui le remplaça, menaçait de s'écrouler. Il se mit à courir derrière un groupe d'enfants. Chacun criait qu'il était innocent. Comme une volée de moineaux, les enfants s'éparpillèrent, mais poursuivit celui à qui il avait parlé auparavant, lorsqu'il avait garé sa voiture. Lorsque Nabil le rattrapa, l'enfant, qui avait des pierres plein les menottes, les laissa tomber. Il le gifla. Le gosse, en pleurant, finit par se défaire de la prise de Nabil, et détala chez lui. Peu après, alors que Nabil se dirigeait vers le domicile du gosse, le père de ce dernier arriva en courant. Et ce fut la dispute. « Qui t'a dit que c'est mon enfant qui t'a cassé ton pare-brise ?... Tu oses le frapper ? » -Si tu n'éduques pas tes enfants, il faut bien que quelqu'un d'autre le fasse à ta place ! Les autres gosses l'ont vu et sont là pour témoigner. Aie des gosses comme les hommes, et, après, tu peux en parler ! Même les chiens ont des petits, il s'agit de les élever… Tu me traites de chien, espèce de salaud ! Je suis salaud, moi, et toi, un fils de p… » Des grossièretés fusaient de part et d'autre, c'était, dirait-on, à qui en inventerait de plus blasphématoires, de plus inaudibles. Puis, ce fut la bagarre, on vint aux mains. Jeu de mains... Alors qu'ils se donnaient des coups de poing, le père du gosse sortit un couteau à cran d'arrêt et le planta dans le ventre de Nabil lequel, voyant du sang couler au travers de la chemise, ramassa une grosse pierre, s'en fut en courant derrière son adversaire, et la jeta sur lui ; elle l'atteignit à l'épaule droite et le fit tomber. Un rictus de douleur lui déformant le visage. Nabil, ne pouvant se tenir debout, se laissa choir sur le bord du trottoir. Visiblement, il avait un mal atroce au niveau du ventre. Un moment, il perdit connaissance. Une des personnes présentes proposa qu'on les emmène à l'hôpital. Ce qui fut fait. Deux autres personnes les avaient transportés dans leur véhicule. Mais, Nabil décédera à son arrivée à l'hôpital. Le père du gosse, qui s'en était sorti avec une fracture de la clavicule, sera mis en détention préventive. Il écopera de 3 ans de prison, pour « coups et blessures ayant entraîné mort d'homme ». Les deux frères de Nabil avaient essayé de requalifier le chef d'inculpation, ils parlaient d'homicide volontaire. Mais en vain. Le verdict les avait scandalisés. Le magistrat avait été acheté, ne cessaient-ils de raconter à qui voulait bien les entendre. Quelques jours après qu'il fut élargi, le père de l'enfant sera retrouvé inanimé, mort dans une rue sombre, le corps lardé de coups de couteau. On disait que ce serait Tahar, le frère aîné de Nabil, qui se serait ainsi vengé. Mais, il n'y avait pas la moindre preuve, sinon…