Jacques Ferrandez nous revient avec deux œuvres très fortes. Il continue sa saga sur la guerre d'indépendance et relance son ami Rachid Mimouni pour ses Retours à Alger avec beaucoup de bonheur. A lire au plus vite. Le travail sur l'Algérie d'avant l'indépendance de Jacques Ferrandez est tout simplement colossal. Sa série Carnets d'Orient est une œuvre majeure. Avec Dernière demeure, il continue de se pencher sur son pays natal. Un travail impressionnant. « Au fil du temps, j'avais accumulé beaucoup de documentation. Ces dernières années, est arrivée toute une vague de jeunes historiens, comme Raphaëlle Branche avec La Torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie. Leurs livres m'ont conforté dans l'idée que je n'avais pas eu tort d'attendre. Ces nouveaux éléments nuancent les propos. Mon but est de comprendre la logique des événements et de ne rien cacher, sans pour autant refaire l'histoire ou renvoyer les deux camps dos à dos : l'indépendance de l'Algérie était bien évidemment une chose nécessaire. On peut toutefois regretter qu'elle se soit passée de cette façon », explique-t-il. On ne peut qu'être d'accord avec Fellag qui a signé la préface. Nous avons besoin du regard de l'autre, de celui de Jacques Ferrandez. « Dès que j'ouvre l'un des Carnets d'Orient, je me retrouve dans la lumière, les paysages, les personnages, les atmosphères et les passions qui animaient le décor de mon enfance. Lui (Jacques Ferrandez) et moi sommes des frères reliés à la même matrice mémorielle. Face à face, chacun de son côté, nous regardons les mêmes choses aux mêmes moments. Deux frères qui voient l'histoire se faire au détriment d'eux, sans eux, incapables d'arrêter son cours ou de glisser un grain de sable pour en arrêter les rouages. Alors, on dessine, on fait rire, on fait rêver pour mettre du baume sur ‘'tout'' », confie l'humoriste. Jacques Ferrandez nous invite aussi à nous méfier de l'histoire officielle, à regarder en nous-mêmes, à affronter notre passé avec ses parts d'ombre. Dans son précédent album, il avait fait appel à l'universitaire Gilles Képel. « Vidal-Naquet ne s'était pas privé de dire les choses pour les deux camps. C'est pourquoi j'ai demandé à Gilles Képel une préface dans laquelle il explique que ce travail de mémoire, s'il commence en France, n'a pas été fait en Algérie. Les dirigeants actuels ont réécrit l'histoire à leur manière, en gommant tout ce qui pouvait être gênant pour eux, car l'histoire appartient toujours au vainqueur. Ces non-dits sont maintenant ancrés dans l'inconscient algérien », tranche Jacques Ferrandez. Oui, l'Algérie manque cruellement d'une nouvelle génération d'historiens. Carnets d'Orient, Dernière demeure, Jacques Ferrandez, Casterman et Retours à Alger, Jacques Ferrandez, Casterman