Officiellement, le ministre de l'Intérieur et des élections a les noms. Ceux des abstentionnistes qui, pour une raison ou une autre, par dépit, oubli, mépris ou envie, n'ont pas daigné aller au bureau de vote du quartier pour une reconduction tacite des grands équilibres. Pourtant, les Algériens ayant cet avantage de tous se connaître entre eux, il suffit de faire un petit sondage autour des proches pour s'apercevoir qu'une grande partie des abstentionnistes n'ont pas reçu la lettre dédicacée du ministre de l'Intérieur. Un nombre impressionnant d'abstentionnistes n'ont pas été recensés comme tels et, de fait, n'ont pas été destinataires du formulaire. La première explication est que Zerhouni n'a pas les noms, du moins pas les bons, l'inefficacité des services de renseignement ayant été largement prouvée après que l'Algérie ait dépassé la barre symbolique des 100 000 morts. Les services de Zerhouni n'ont donc pas les noms des abstentionnistes, ou du moins pas tous. L'autre explication réside dans la distribution du courrier, qui est aussi aléatoire en Algérie qu'un jeu de hasard, et les lettres ne seraient pas arrivées aux bons destinataires, perdues dans la conjoncture. Il y a une troisième explication, la plus difficile à admettre mais qui n'en reste pas moins à étudier. Selon des analystes de la place, réputés pour leur paranoïa aiguë, tous les abstentionnistes qui n'ont pas reçu leur lettre ont en fait « voté ». C'est-à-dire qu'on les aurait fait voter à l'insu de leur plein gré aux dernières élections et de ce fait ne sont pas comptabilisés aujourd'hui comme abstentionnistes. D'où la non-réception de la lettre. Cette thèse a l'avantage d'expliquer les scores fleuves des élections présidentielles ou au référendum sur la réconciliation, scores qui ont surpris tout le monde, y compris les électeurs d'El Tarf. Des fleuves oui, probablement à sec.
