Suffit-il de reconnaître qu'il n'existe aucune parade contre les opérations de kamikazes pour se donner bonne conscience et considérer cette nouvelle menace qui pèse sur les Algériens comme une fatalité à laquelle il faudrait se résigner ? La facilité avec laquelle les dernières opérations kamikazes avaient été menées, qu'il s'agisse de l'attaque contre le Palais du gouvernement ou des deux attentats perpétrés à l'intérieur de casernes, celle de Lakhdaria et samedi dernier contre le cantonnement des gardes-côtes de Dellys, renseigne sur la baisse de la vigilance aussi bien des services de sécurité que de la population. Le nouveau contexte politique né de la mise en œuvre de la loi sur la réconciliation nationale, dont l'objectif proclamé est de ramener la paix et la sécurité dans le pays, a créé au sein de la société un climat général sinon de démobilisation du moins de ni guerre ni paix. L'initiative du terrain étant désormais laissée aux groupes terroristes encore en activité qui ont mis à profit cette période de grâce politique offerte par la loi sur la réconciliation nationale pour remobiliser leurs troupes et multiplier leurs attaques terroristes contre des cibles civiles et militaires. L'erreur pour le pouvoir aura été d'avoir pensé et incité les citoyens à croire à coups de discours en décalage avec la réalité que l'Algérie est définitivement installée dans une nouvelle ère de paix et de sécurité par la magie de la politique de la réconciliation nationale. Le réveil aura été dur et brutal pour toutes les consciences endolories qui n'ont pas compris ou voulu comprendre que le terrorisme, par essence, ne désarme jamais et n'est soluble dans aucun projet politique civilisé. Les derniers attentats qui ont ciblé des symboles de l'Etat : le Palais du gouvernement, des enceintes militaires, à Réghaïa et à Dellys, le cortège présidentiel à Batna, montrent bien que le pouvoir a engagé l'Algérie avec la politique de réconciliation nationale dans un scénario de « paix des braves ». Les groupes terroristes tentent de tirer le maximum de dividendes de cette situation en multipliant les attaques terroristes à forte connotation politique et médiatique. L'onde de choc provoquée au sein de la population par les derniers attentats, dont le plus « spectaculaire » aura été celui ayant ciblé le président Bouteflika à Batna, a fini de balayer les dernières illusions de ceux qui pensaient, par calcul ou mauvaise appréciation des réalités sur le terrain, que le terrorisme vivait son dernier quart d'heure. Baisse de la vigilance Se pose alors cette question lancinante de savoir dans cette confrontation que les chefs du Gspc affiliés à Al Qaïda ont entrepris de porter au cœur même du système en ciblant des symboles de l'Etat à l'image de son Président — ce qui est un tournant dans la stratégie des terroristes — est-ce que nous sommes en face d'un terrorisme renaissant et en phase ascendante ou bien serait-ce la faiblesse de la riposte de l'Etat qui s'est endormi sur ses lauriers qui a permis au terrorisme de relever la tête ? Si toutes les mesures sécuritaires et de prévention avaient été prises comme cela aurait normalement dû être le cas pour un pays en guerre contre le terrorisme en maintenant l'Etat d'alerte et la vigilance au niveau des cibles potentielles et un maillage à la mesure de la menace à l'occasion des grands événements nationaux susceptibles de donner des idées funestes aux terroristes, la capacité de nuisance de ces derniers aurait été considérablement amoindrie. Ce qui s'est passé à Batna est loin d'être un fait banal. Comment se peut-il qu'un périmètre que devait emprunter le cortège présidentiel et qui était censé être hautement sécurisé ait pu être pris en défaut par les tueurs du Gspc pour commettre leur forfait ? Le fait gagnerait à être médité à sa juste signification : ce sont les citoyens qui avaient repéré le comportement suspect du kamikaze et qui l'ont signalé aux policiers. Ces derniers n'ont rien vu. Parce que tout simplement la plupart des policiers que l'on aligne sur les parcours des cortèges officiels n'ont pas l'expérience requise pour ce genre de mission. Lorsque le besoin s'en fait sentir, on n'hésite pas à puiser des effectifs des écoles de police pour faire face à une demande pressante. Le nerf de la lutte antiterroriste réside dans le renseignement. C'est en amont qu'il faudrait en effet agir en remontant les filières de l'organisation terroriste. Il est certes difficile de déjouer une opération kamikaze à son stade opérationnel mais il est possible avec un travail de renseignement et d'investigation rigoureux de démanteler des réseaux comme cette nouvelle école de formation de kamikazes qui fait trembler les Algériens en s'intéressant au mode de recrutement au profil des recrues, aux refuges, aux sources d'approvisionnement en explosifs, au travail de renseignement et de proximité auprès des familles des terroristes... Le succès de la lutte antiterroriste est à ce prix. L'exutoire des marches populaires de circonstance n'a rien changé à la donne terroriste hier et ne peut pas infléchir le cours de l'histoire ni aujourd'hui ni demain. La problématique de la lutte antiterroriste est une problématique globale qui se décline sur tous les fronts : politique, sécuritaire, social, économique.