D'autres attentats analogues à ceux qui ont endeuillé l'Algérie, le 11 décembre dernier, risquent de se reproduire. Les responsables en charge de la sécurité du pays, aussi bien le ministre de l'Intérieur que le DGSN, n'ont pas écarté cette terrible éventualité. Tout en appelant au renforcement de la vigilance, ils ont fait état de nouvelles mesures de sécurité. Les Algériens sont-ils condamnés à vivre au rythme des attentats kamikazes ? Hélas, la décortication de propos tenus au lendemain des attentats spectaculaires d'Hydra et d'El Biar par de hauts responsables de l'Etat, parmi lesquels des personnages qui ont en charge la sécurité du pays, ne laisse pas supposer le contraire. Zerhouni donne le ton le soir même de la tragédie au cours d'un point de presse improvisé au CIP. «Il n'y a pas plus facile à commettre qu'un attentat à la bombe même avec le déploiement de toutes les mesures de sécurité», rétorque-t-il aux représentants de la presse qui soupçonnaient des défaillances de la part des services de sécurité, avant de lâcher une sentence encore plus inquiétante : «Il ne faut pas dire que nous sommes à l'abri.» Emanant du ministre de l'Intérieur, ces affirmations font autorité autant qu'elles donnent froid dans le dos. D'autant que, le lendemain, ses propos seront confortés par un autre haut responsable, encore plus à l'avant-garde de la lutte antiterroriste : le directeur général de la Sûreté nationale. En marge de la célébration de la Journée de la police arabe, Ali Tounsi s'est montré tout aussi sceptique, pour ne pas dire résigné, que son supérieur en reconnaissant que «quelles que soient les dispositions prises, elles ne peuvent pas empêcher ce genre d'attentat». Soit des propos qui tranchent nettement avec l'optimisme affiché par le même responsable, il y a deux mois, quand il annonçait aux journalistes que ses services avaient «trouvé la parade contre les attentats kamikazes». Les attentats d'avant-hier l'ont définitivement ramené sur terre – au même titre d'ailleurs que le ministre de l'Intérieur qui affirmait récemment sur les ondes de la radio qu'il n'y avait pas lieu d'avoir «peur d'Al Qaîda» – et astreint à tenir un discours un peu plus réaliste. Ce qui ajoute du crédit à ces déclarations qui cachent mal de tristes prévisions, c'est assurément cette révélation faite par Zerhouni : des terroristes arrêtés au lendemain des attentats de Batna et de Dellys en septembre dernier auraient révélé aux services de sécurité une liste de sept édifices publics que Al-Qaîda au Maghreb a porté sur son calepin. Parmi ces cibles, figurait, curieusement, le siège du Conseil constitutionnel, partiellement détruit par un kamikaze avant-hier. La police savait, donc, que le Conseil constitutionnel était visé et n'a pas pu le protéger. Assurément, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Ce réalisme, qu'il serait peut-être malveillant d'assimiler à du défaitisme, n'est pas, toutefois, sans se traduire par une profonde inquiétude parmi la population. Une inquiétude somme toute légitime en ce sens que le ton peu rassurant des dirigeants tient d'un changement quasi radical de la donne sécuritaire suite au ralliement du Gspc à la nébuleuse Al-Qaîda avec tout ce que cela suppose comme changement de méthodes d'action (les attentats kamikazes qui demeurent un label déposé de l'organisation) et de renforcement en moyens financiers et logistiques. Car même dans les pires moments de la décennie rouge, l'ex-GIA, dans toute sa cruauté, n'avait pas réussi à toucher l'Etat dans ses symboles et ses points névralgiques, se «contentant» de s'acharner sur les populations isolées et de déposer sporadiquement des «couffins» piégés dans les marchés populaires, si l'on excepte de rares attaques spectaculaires comme celle qui avait visé le commissariat central d'Alger en janvier 1995… Le dispositif sécuritaire sera renforcé l Le ministre de l'Intérieur a supposé dans l'une de ses déclarations qui ont suivi les attentats d'avant-hier, que les terroristes avaient peut-être mis à profit le relâchement de la vigilance qui avait entouré la tenue des élections locales et la visite du Président français. Les mesures seront de toute façon drastiquement renforcées dans la capitale. C'est ce qu'a annoncé, hier soir, le Chef du gouvernement en marge de la célébration de la Journée de la police arabe, se gardant, toutefois, de révéler de plus amples détails. Le directeur général de la Sûreté nationale a, lui, promis que des «mesures efficaces seront prises afin de renforcer le dispositif de sécurité à Alger», faisant notamment état d'un «plan pour contrecarrer les opérations kamikazes».