Trois embarcations de harraga avec à leur bord 22 jeunes des différents quartiers d'El Kala ont quitté la côte à l'est de la ville, la Vieille Calle, Vergès ou Cap Rosa, dans la nuit de lundi à mardi derniers. Ils ont minutieusement et discrètement préparé leur entreprise. Les parents, les copains et les voisins ont été pris de court. C'est en fait parce que l'aventure a échoué pour deux des embarcations que la nouvelle s'est propagée. L'une aurait été interceptée par les gardes-côtes algériens et l'autre, à cause d'une panne de moteur, a terminé sa course en s'échouant sur une plage du cap Ferrat (Bizerte), en Tunisie. Les sept occupants de la troisième ont pu rejoindre la Sardaigne d'où ils ont téléphoné pour rassurer leurs proches et prendre des nouvelles de leurs infortunés compagnons de voyage. Les clandestins récupérés par la marine nationale ont été écroués alors que ceux qui sont en Tunisie ont pu recevoir hier la visite de leurs parents à Tabarka. Ils seront remis en liberté incessamment. C'est la troisième vague de boat people qui part d'El Kala. La première a eu lieu le 7 janvier dernier avec cinq jeunes qui sont arrivés à bon port et même revenus de cette aventure. La seconde, il y a tout juste un mois, avec deux embarcations et quatorze personnes, est passée inaperçue, parce que le même jour les gardes-côtes et la gendarmerie, certainement au courant de quelque chose, avaient entrepris une vaste opération coup-de-poing contre les clandestins et ceux qui leur apportent de l'aide. Les jeunes que nous avons rencontrés hier célébraient comme il se doit l'arrivée de leurs amis. Quand ils disent : « Ils sont sauvés », ce n'est pas de leur vie qu'ils parlent, mais de leur condition. « Les Italiens ont besoin de main-d'œuvre au noir et à bon marché, ils auront leurs papiers s'ils se tiennent à carreau quelque temps. Certains partis en janvier et en août ont même pu rejoindre la France », ajoutent-ils pour se rasséréner et montrer qu'ils n'ont pas l'intention d'abandonner leur projet de traverser la Méditerranée. « Il y a eu des départs tous les deux ou trois jours pendant l'été », déclare un autre jeune qui explique que si on ne s'est pas aperçu c'est parce que ce sont des gars d'Alger et ses environs. Il y aurait tout un réseau qui serait mis en place à l'insu de tous pendant la saison estivale qui a été ainsi judicieusement mise à profit. Des affirmations qui ne sont pas tout a fait dénuées de tout fondement, car il semblait en effet assez curieux qu'El Kala ait été épargnée par la déferlante des harraga qui touche toute la côte algérienne et qui ne semble pas ébranler outre mesure la quiétude de nos gouvernants et de la société en général.