Assurément, à sa première représentation en avant-première à Aïn Témouchent, Sanaoud Yaouman a séduit même s'il est perfectible. Les ingrédients d'un bon spectacle y sont réunis. Dans la pièce théâtrale Sanaoud Yaouman, on y trouve un texte qui obéit aux lois du genre, celles de la malhama, mais qui pourrait avantageusement être allégé de ce qui, parfois, le fait verser dans le slogan. Il y a également une bonne distribution. Enfin, la mise en scène réunit assez heureusement les deux premiers éléments, même s'il y a des réajustements à faire d'ici à la générale d'Alger. Sanaoud Yaouman, on l'aura compris, évoque le drame palestinien ; la manifestation « Alger, capitale de la culture arabe » ne pouvant censément se passer sans l'évoquer. Ce sont Bouziane Ben Achour et Bachir Mansouri, co-auteurs, qui ont saisi cette opportunité pour rappeler ce qui, pour eux, constitue le déshonneur des dirigeants de la nation arabe. La fresque fonctionne particulièrement dans sa partie dramatique, lorsque interviennent trois personnages emblématiques représentant trois générations de Palestiniens. Il y a une grand-mère et tout ce qu'elle symbolise comme mémoire collective. Il y a un instituteur pris dans une tourmente qui valorise le contraire du projet humaniste qu'il porte. Il y a enfin, au bout de cette déchéance, un jeune cireur. Le drame est résumé là dans toute son âpreté. Les comédiens habitent les personnages, à la manière des antiques héros tragiques. La direction d'acteurs, les lumières, le temps égrené, tout y est pour que l'émotion prenne à la gorge alors que sont écossés les exils intérieurs et extérieurs, les drames individuels ainsi que le drame collectif des déportations. Pour ce qui est des autres tableaux, il y a une bonne dose de bonnes intentions mais qui restent à travailler d'ici au jour J. Medjehri Lahbib serait bien inspiré s'il forçait un peu moins sur la partie discours dans sa mise en scène, en y mettant un peu moins d'univocité, plus de polysémie. En un mot, en soulageant son écriture scénique d'une surabondance de signes, là où il n'est pas nécessaire de défoncer des portes ouvertes. On aurait par exemple préféré la parodie à la caricature sans nuance de certains personnages, cela aurait pu être plus savoureux et surtout moins réducteur. Cependant, nonobstant ces quelques remarques, Sanaoud Yaouman, une production des Compagnons du théâtre et des arts, est un spectacle nécessaire, une œuvre qui nous rappelle au devoir de solidarité.