La sortie de crise dans laquelle nous nous débattons, nous autres musulmans, requiert une prise de conscience multiforme dans tous les domaines de la vie, à commencer par la désacralisation de la violence. Celle-ci ne vise pas seulement à la priver d'un quelconque prestige attracteur fascinant les esprits et subjuguant les raisons. L'attirance par rapport aux forces de destruction concourt à la grande tétanisation des consciences devant ce qu'on a osé appeler « la beauté cruelle » de la barbarie procurant une exultation morbide et inhumaine. La nature toute particulière de la violence contemporaine complexe et rudimentaire, magnifiant l'instinct de mort, la rend porteuse de malheurs calamiteux. Médusés que nous sommes par les impulsions irrépressibles mortifères, nous constatons que la destrudo humaine tend à l'emporter, dans une rage exterminatrice inconcevable, sur toute volonté d'édification. Alors, la première réaction passe par la démythification de l'origine et des causes de la violence. La désacralisation de la guerre sera le préalable nécessaire à une sécularisation des consciences. A minima, le caractère dynamiteur et intrinsèquement pluriel de la violence du siècle sera dépourvu de sa légitimité religieuse. A cet égard, les impérities d'analyse des stratèges observateurs et autres faiseurs d'opinion sont caractérisées par la seule focalisation sur le vocable djihad qu'un abus de langage inconséquent et scandaleux rend systématiquement par « guerre sainte ». Non qu'il faille éluder le caractère canonique des crimes abominables perpétrés par les fanatiques extrémistes. Un caractère justifié d'ailleurs par une lecture fixiste et assassine de certaines sources du droit islamique classique. Non qu'il faille, non plus, minorer la notion du djihad comme une expression « affinée » et théorisée de la collusion de la foi et de la violence, avec une éthique de la guerre élaborée à partir de l'exégèse coranique et de la tradition prophétique. Mais il s'agit, seulement, dans un premier temps de rectifier, par rigueur intellectuelle et par souci de vérité sémantique que le djihad n'est pas « une guerre sainte ». En tout état de cause, il n'a jamais été conçu comme une sanctification de la violence. Cette extrapolation de sens est totalement étrangère à l'écrit coranique. C'est d'autant plus important de le préciser que le djihad, dans sa déshérence de sens, maintient son impact hypnotique sur les esprits fragilisés des jeunes croyants désœuvrés, réceptifs à l'endoctrinement religieux et prompts pour la mobilisation générale au nom de la Transcendance. La précision de son acception est un relais préliminaire nécessaire pour qu'un travail de déconstruction permette ab intra d'enrayer la puissance de ce phénomène, et pour que, ad extra, il concourt à apprivoiser les peurs et exorciser les hantises… (À suivre)