C'est probablement la première fois depuis 1975 que le Maroc exprime publiquement son désir de négocier et de demander expressément pour cela la médiation d'un pays tiers. C'est là une concession majeure surtout après le discours intransigeant du roi Mohammed VI prononcé le 3 novembre dernier à l'occasion de l'anniversaire de la Marche verte à travers laquelle ce pays a envahi et occupé le Sahara-Occidental. Là n'est que l'aspect rendu public certainement avec le consentement du Palais royal, d'une demande faite officiellement au Zimbabwe par le ministre marocain des Affaires étrangères au nom du souverain chérifien. Mohammed VI, a en effet, demandé au président zimbabwéen Robert Mugabe de jouer un rôle de médiateur dans le long conflit de souveraineté sur le Sahara-Occidental, selon les comptes rendus des médias d'Etat du Zimbabwe. Cette demande a été transmise lundi à Harare par le ministre marocain des Affaires étrangères, Mohamed Benaïssa. « Nous sommes prêts à négocier et je pense que des pays frères en Afrique peuvent aider à un rapprochement des parties (en conflit) et à trouver une solution politique et pacifique définitive à ce conflit » du Sahara-Occidental, a déclaré M. Benaïssa, cité par la télévision d'Etat zimbabwéenne ZBC. Pourquoi une telle demande et maintenant précisément ? C'est la question qui surgit et elle n'est toutefois pas la seule. On se rappelle en ce sens que des négociations allaient avoir lieu en Afrique du Sud en septembre dernier, toujours à la demande du Maroc qui s'était rétracté à la dernière minute, suscitant la colère des milieux diplomatiques, notamment sud-africains qui ont alors donné un maximum d'éclat à l'établissement des relations diplomatiques avec la République arabe sahraouie démocratique, (RASD) le 15 septembre, une décision on le devine, prise longtemps auparavant. On était alors à un mois de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU sur la question du Sahara-Occidental qui s'était soldée par le rejet des thèses marocaines et la réaffirmation du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Personne a priori ne prendra au sérieux la diplomatie marocaine en perte de vitesse sur ce dossier comme elle-même le constate. Cela flaire le piège, dirait-on alors, face au discours empreint de fermeté, sauf que le Maroc a toujours tenu un double discours, l'un fait de fermeté avec ce que l'on appelle à Rabat l'attachement aux « provinces sahariennes » - parler de Sahara-Occidental est considéré comme un acte de trahison -, et l'autre fait de contacts et de négociations secrets avec le Front Polisario, l'autre partie au conflit. Et que cela soit en Europe ou en Afrique, et même au Maroc en 1988, les rencontres bilatérales directes ne manquent pas. Elles ont, en tout cas, permis de tracer la voie à ce qui allait devenir le plan de paix de l'ONU endossé par le Conseil de sécurité, ce qui n'aurait pas été possible sans l'accord des deux parties. Et comme le rappelle si bien l'ancien ministre marocain de l'Intérieur Driss Basri qui refuse la loi du silence et qui gérait pour le Palais royal le dossier du Sahara-Occidental, le Maroc a accepté ce plan en toute connaissance et savait que la Minurso n'était pas une simple force d'interposition mais bien, comme l'indique ses sept lettres, une mission des Nations unies, chargée de l'organisation du référendum au Sahara-Occidental, un droit reconnu et accepté par Rabat, avant de se rétracter et bloquer ainsi l'application du plan de paix, y compris les accords qu'il conclura plus tard avec le Front Polisario comme ceux de Houston de septembre 1997, sous l'égide de James Baker, alors envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU. Les interrogations ne s'arrêtent pas là. Négocier avec qui, sauf à vouloir bien entendu revenir à la table des négociations avec le Front Polisario, ce qui est alors tout à fait normal. Car ce qui ne l'est pas, c'est que Rabat souhaite s'écarter du plan de l'ONU et impliquer d'autres parties comme l'Algérie qui refuse bien entendu une telle tentative. L'Algérie ne rate aucune occasion pour réaffirmer son soutien au droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et son refus de se substituer aux représentants du peuple sahraoui. Son ministre des Affaires étrangères vient de rappeler qu'Alger a refusé de participer à un sommet quadripartite, ce qui constitue une autre manière de contourner le plan onusien. Reste alors à savoir quoi négocier. « Trouver une solution politique et pacifique définitive à ce conflit », a déclaré en ce sens l'émissaire de Mohammed VI dans la capitale du Zimbabwe. La formule est aussi vague et imprécise que toutes celles que le Maroc souhaitait faire prévaloir seul ou avec l'appui de certaines capitales, justement pour contourner le plan de paix et le vider de sa substance. Mais justement, la dernière intervention du souverain marocain n'incite guère à l'optimisme, sauf à la mettre sur ce fameux double discours.