Rachid Ramda est jugé depuis le 1er octobre pour complicité d'assassinats et tentatives d'assassinat pour l'attentat à la station RER de Saint-Michel le 25 juillet 1995 (8 morts et 150 blessés), celui de la station de métro Maison-Blanche le 6 octobre 1995 (18 blessés) et l'attentat à la station RER Musée d'Orsay le 17 octobre 1995 (26 blessés). Après 7 heures de délibéré, la cour d'assises spéciale de Paris a reconnu, hier soir, Rachid Ramda coupable de complicité d'assassinat et de tentative d'assassinat, aide et assistance, par fourniture d'instructions et d'ordres dans les attentats de Saint-Michel et d'Orsay. Rachid Ramda a été reconnu coupable pour les mêmes chefs d'accusation sauf celui de donneur d'ordres pour l'attentat contre Maison-Blanche. Il a été condamné à perpétuité avec 22 ans de sûreté. Ses avocats ont déclaré qu'ils feraient appel du jugement. Arrêté à Londres le 4 novembre 1995, Rachid Ramda n'a été extradé que le 1er décembre 2005 vers la France au terme d'une longue bataille de procédures. Il a déjà été condamné à dix ans d'emprisonnement pour les actes préparatoires de toute la vague d'attentats de 1995 en région parisienne, mais aussi à Lyon et Lille et contre un TGV Lyon-Paris, sous la qualification d'« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Quand le président Didier Wacogne lui demande s'il a quelque chose à ajouter pour sa défense avant que la cour se retire, aux alentours de midi, pour délibérer, Rachid Ramda se lève pour dire : « Ces attentats, je ne les ai pas appuyés, je ne les reconnais pas, ni maintenant ni dans l'avenir », après avoir adressé sa « sympathie » et sa « compassion » aux familles des victimes. « Une seule réponse s'impose, celle de la fermeté », avait déclaré l'avocate générale, Delphine Dewailly, dans son réquisitoire, mercredi. Et de requérir la perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, soit le même traitement que celui infligé à Bensaïd et Belkacem condamnés comme auteurs principaux en 2002. Identification Pour l'avocate générale, Rachid Ramda au « double alias » (Abou Farès et Elyas), « comme seuls en possèdent les émirs du GIA », a financé ces actes de terrorisme par « cinq apports d'argent » entre le 2 juillet et le 16 octobre 1995, retrouvés dans la comptabilité de Boualem Bensaïd, coordinateur des actions à Paris et celle de Rachid Ramda à Londres. Ses empreintes digitales ont été relevées sur un bordereau de transfert de 5000 livres sterling de Londres à Paris le 16 octobre 1995, veille de l'attentat du Musée d'Orsay. Rachid Ramda a reconnu pendant le procès ce transfert d'argent à un compatriote qu'il ne connaissait pas, dit-il, « pour payer les avocats des frères arrêtés en France ». Pour l'avocate générale, les cahiers des dépenses de Bensaïd attestent que ces fonds ont « servi à l'achat d'explosifs, de cartes de téléphone, de locations, de billets de transport ». Au domicile londonien de l'accusé, « on a retrouvé la trace de cinq apports financiers sur des documents écrits », a déclaré Mme Dewailly, précisant que sur certains de ces documents, les empreintes digitales de Ramda avaient été identifiées. Pour le ministère public, Rachid Ramda est un « cadre du GIA », « un rouage essentiel de l'organisation » et une « courroie de transmission » en Europe du chef du GIA Djamel Zitouni. Il a, selon le ministère public, « écrit ou laissé passer » dans El Ansar, organe du GIA, des textes menaçants à l'encontre de la France tels que « nous serons un clou dans le cercueil de la France ». « Les preuves manquent » L'accusation s'appuie sur les nombreux documents saisis chez Ramda, dont des ordres écrits du GIA et le texte d'un ultimatum envoyé le 27 août 1995 au président Jacques Chirac par le GIA, où il lui été demandé de se convertir à l'Islam. Hier matin, la défense de Rachid Ramda a de nouveau développé la thèse de la manipulation du GIA par les services algériens, de la connivence entre services français et algériens, de complaisance de Paris à l'égard du pouvoir politique algérien. Pour Sébastien Bonno, « rien ne prouve que Rachid Ramda est Elyas ou Abou Farès ». « L'identification de Rachid Ramda provenant des services de renseignements algériens, nous avons à nous poser beaucoup de questions. Qui a vérifié que Elyas et Abou Farès c'est Rachid Ramda. Il n'y a que les renseignements algériens donnés aux enquêteurs français. Les informations des services algériens ne représentent à nos yeux aucune preuve, sauf si des services sérieux les vérifient. » Puis, à l'adresse du ministère public : « Votre dossier n'est-il pas un morceau de gruyère, laissant de côté des pistes sans les exploiter ? » Et : « On veut les preuves de sa complicité (de Rachid Ramda) d'assassinat. Ces preuves manquent », ajoutera Sébastien Bonno, avant de demander l'acquittement de son client. « Nous n'avons entendu que des mensonges ou des silences de la part de l'accusé », a avancé Me Holleaux, avocat de parties civiles et de SOS Attentats, dans sa plaidoirie mardi dernier. « Qu'on ne vienne pas nous dire que Rachid Ramda, intelligent comme il est, avec l'expérience qui est la sienne, a été manipulé. » Un autre avocat de la partie civile à l'adresse de Ramda : « Puisque vous faisiez de l'humanitaire, pourquoi êtes-vous entré à Londres sous un faux nom ? » « Vous saviez que vous alliez entrer en clandestinité. » Maître Holleaux conclut sa plaidoirie en affirmant : « C'est sans haine et sans sentiment de vengeance que nous demandons justice. » « Nous avons toujours dit, plaidé, que la façon de lutter contre le terrorisme c'est par l'Etat de droit. C'est une criminalité qui se combat par la loi. »