Lors des auditions du Ramadhan conduites par le président de la République, l'Exécutif s'est jeté plein de satisfecit sur les « grandes réalisations » de ces dernières années. Il a été question de routes, de barrages, d'écoles, d'hôpitaux, etc., mais point du dossier le plus lourd et le plus sensible, celui de la jeunesse algérienne. Or, le chef de l'Etat et ses ministres étaient censés être sous alerte rouge depuis la brutale dégradation du sort des jeunes algériens, ces derniers temps, sous l'effet notamment de quatre grands fléaux : le recours massif à l'émigration clandestine, l'usage intensif des drogues dures, le basculement dans la délinquance et la criminalité et le passage vers le terrorisme. Ces dérives ont été pourtant mises en évidence autant par les médias que par les quelques associations et organismes étatiques ou semi-publics qui arrivent encore à travailler dans une relative indépendance, évitant d'aller dans le sens du discours officiel, lequel s'acharne à relativiser les problèmes, voire tout simplement les gommer. La politique de l'autruche et le refus de voir la réalité telle qu'elle tiennent du souci politique des décideurs de ne point entacher les mandats présidentiels et de ne les présenter que comme porteurs de bien-être et d'espoir. Elles tiennent également de cette maladie infantile du système qui fait que la société algérienne ne peut être que « saine », épargnée des maux sociaux, qui ne peuvent être que l'« apanage » des pays occidentaux. Aussi les interventions de l'Etat sont limitées généralement à des opérations ponctuelles de replâtrage, privilégiant le seul aspect répressif au détriment d'un traitement curatif de fond couplé à un véritable travail de prévention. C'est en réalité une stratégie de cet ordre qui fait cruellement défaut. Les phénomènes des boat people et de la violence comme de l'usage grandissant des stupéfiants et de la fascination du kamikaze ne sont pas tombés du ciel. Ils présentent même des spécificités, tels ces harraga fonctionnaires et étudiants alors que ceux des autres pays sont des damnés de la terre. Ces maux sont l'aboutissement de plusieurs décennies d'une multitude de facteurs dont le plus déterminant est certainement d'ordre politico-doctrinal : un déficit criant en bonne gouvernance politique qui a perverti l'institution principale qu'est l'école et laissé s'installer en maîtres des valeurs rétrogrades au sein de la société. Il restera à analyser tout cela, froidement, loin de tout calcul. Mais il n'est pas évident que les décideurs actuels soient en mesure de faire cet effort tant est ancrée chez eux la logique de défense coûte que coûte du régime, appelée au demeurant à s'exacerber au fur et à mesure qu'approche l'heure du grand bilan, c'est-à-dire la présidentielle d'avril 2009. En déniant à la révolte d'octobre 1988 toute portée démocratique, alors même qu'elle a ébranlé à l'époque le couple infernal parti-Etat, le président de la République a brouillé les cartes, enlevé à l'Algérie un moyen de compréhension du malaise et du désespoir de ses jeunes, tout en ne saisissant pas la portée de leurs messages. Que pèse en fin de compte le sort d'une jeunesse devant la volonté politique des puissants de pérenniser leur pouvoir ?