La fermeture « provisoire » du bureau de la chaîne arabe Al Djazira à Alger a suscité de vives réactions de la part de Reporters sans frontières (RSF) et de l'organisation américaine Committee to Protect Journalists (CPJ). Les deux organisations de défense des journalistes ont demandé aux autorités algériennes la levée immédiate de cette mesure jugée « arbitraire ». « Ce n'est ni plus ni moins qu'un acte de censure », a estimé RSF dans une déclaration rendue publique jeudi. « C'est la première fois depuis plus de dix ans qu'une télévision étrangère présente en Algérie est interdite de couvrir l'actualité de la sorte », ajoute l'ONG pour qui « ce nouveau coup de boutoir contre la liberté de la presse est extrêmement préoccupant et résonne comme une mise en garde adressée à l'ensemble de la presse étrangère en Algérie ». Faisant le lien avec « le bras de fer » qui oppose depuis des mois les autorités à la presse privée algérienne, RSF a estimé que cette « escalade laisse craindre une dérive de plus en plus répressive de la part du gouvernement après la réélection du président Abdelaziz Bouteflika ». Concernant le motif mis en avant par le ministère de la Communication relatif à une réorganisation en cours du travail des correspondants des médias étrangers en Algérie, RSF s'étonne que cette décision n'ait eu d'incidence que sur la chaîne qatariote. Il s'agirait plutôt, pour l'ONG, d'« une mesure de représailles » consécutive à la diffusion d'un débat sur l'Algérie dans l'émission « El itidjah el mouakiss », durant laquelle la parole avait été donnée à des opposants qui avaient critiqué sans ménagement les généraux algériens ainsi que la politique de réconciliation nationale du président Abdelaziz Bouteflika. Un sondage, réalisé par la chaîne, selon lequel 72% des téléspectateurs estimaient que la situation ne s'était pas améliorée en Algérie, avait également été rendu public. De son côté, The Committee to Protect Journalists (CPJ), qui ne manque pas à son tour de s'interroger sur la concordance entre la décision des autorités algériennes et la diffusion de ladite émission, s'est déclaré profondément « troublé ». « Nous sommes indignés par la décision du gouvernement algérien », a déclaré Ann Cooper, directrice exécutive du CPJ. « Al Djazira doit pouvoir poursuivre son travail d'information sans subir de pressions », a-t-elle ajouté. Alors que la mesure de gel qui frappe le bureau d'Al Djazira à Alger est effective depuis mardi, aucune décision officielle n'a été encore transmise au siège de la chaîne au Qatar, informe le porte-parole d'Al Djazira, M. Djihad Ballout. Selon lui, les raisons de cette suspension ne sont pas encore clarifiées. Quant au « manquement » dont se serait rendu coupable le correspondant de la chaîne, selon les dires du ministère de la Communication, M. Djihad Ballout dit ignorer le sens de ces déclarations. « En l'absence d'une notification officielle, Al Djazira ne peut se prononcer pour le moment », a conclut le porte-parole de la chaîne.