Le 12e Salon international du livre d'Alger est indiscutablement un événement majeur au double plan culturel et médiatique. Il est devenu, ces dernières années, un passage quasi obligé pour de nombreux éditeurs étrangers pour qui l'étape algéroise est productive. Ce retentissement conduit presque nécessairement les organisateurs de cette manifestation à être plus exigeants et d'une certaine manière sélectifs à l'égard des titres exposés. Il y a en effet une certaine littérature — celle qui vise à l'endoctrinement des jeunes esprits — qui ne peut pas être éligible à prendre part à ce salon qui, comme son nom l'indique, est dédié au livre et non aux brûlots incendiaires des prêcheurs wahhabites. Les jeunes lecteurs algériens doivent être préservés de ce prosélytisme insidieux qui a fait d'énormes dégâts par le passé. La vocation du livre est d'élever le caractère humain, d'aspirer à le rendre meilleur, et non de l'enfermer dans les dérives de l'intolérance. Pour autant, il ne faut pas attendre du Salon international du livre d'Alger qu'il se substitue aux multiples institutions qui ont le devoir et la responsabilité de faire aimer le livre. De la cellule familiale jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat, ces responsabilités sont d'autant plus lourdes de conséquences si elles ne sont pas assumées. Car le livre est aussi nécessaire et vital que le pain. Et donc aussi tout autant disponible. Mais il suffit d'observer les conditions faites, aujourd'hui, au livre pour voir que la généralisation de la lecture reste encore chez nous un vœu pieux. L'activité éditoriale est en elle-même trop onéreuse pour faciliter son acquisition au plus grand nombre. Preuve en est donnée par l'état des librairies en Algérie, mais aussi et surtout par le dénuement profond dans lequel se trouvent les établissements d'enseignement alors que la carte des bibliothèques communales est réduite à une peau de chagrin. Le secteur du livre souffre clairement d'une absence de stratégie qui relève de choix politiques. Subventionner le livre comme un produit de première nécessité est à cet égard une option qui peut faire la différence. Cela passe par l'élaboration d'un cadre législatif qui définirait le statut et la place du livre dans un pays qui, comme l'Algérie, a indéniablement des atouts pour avancer. Les éditeurs nationaux seuls ne peuvent pas faire de miracles, car ils exercent dans un environnement rendu encore plus hostile par leur environnement fiscal. Le livre en Algérie est aussi difficile à fabriquer qu'à vendre. C'est ce qui résume le mieux la complexité de la situation et explique que le livre algérien ne puisse pas s'imposer dans le contexte international en gagnant des parts de marché. C'est déjà un enjeu colossal pour les éditeurs algériens que de s'affirmer au niveau national. Et nul ne peut nier que la tâche est ardue pour eux au regard des difficultés de parcours. La pugnacité et la passion des éditeurs algériens présents à ce 12e Salon international du livre sont d'autant plus à saluer que leur participation est un acte de résistance contre la tentation du vide. Ce vide qui, précisément, est de nature à faire le lit de l'obscurantisme et des apprentis sorciers les bien moins intentionnés.