Les nombreux spectateurs venus assister à la clôture du festival national des Aïssaoua n'oublieront pas de si tôt les francs moments de bonheur passés dans les travées veloutées de la maison de la culture de Mila. Les spectacles offerts en cette mémorable soirée de mercredi, date de clôture du festival, étaient vraiment inoubliables. Dans une salle archicomble, les troupes Aïssaoua en démonstration pour le grand chelem ont fait feu des quatre fers stimulant tout de go un public extraordinaire à se fondre dans une liesse collective et conviviale qui sera prolongée jusqu'à une heure tardive de la nuit. Le plaisir et la joie de la galerie où la forte présence féminine n'est pas passée inaperçue sont si sincères et si prégnants que les spectateurs se sont irrésistiblement laissés aller à des déhanchements et des danses rythmées aux percussions des instruments traditionnels qui fusent. Les troupes Aïssaoua au programme de cette ultime veillée artistique rehaussée par la présence du wali et quelques membres de son exécutif ont été tout feu tout flamme imprégnant une cadence effrénée à leurs enivrantes intonations assorties d'un zeste d'enthousiasme mêlé à une intense exaltation. Les spectacles « in » mettant en vedette pour le compte de cette dernière apparition vespérale les troupes Aïssaoua de Ikhouane Kadiria de Biskra, Al Taifa El Aïssaouia du Maroc et Ferda El Knadsa de Béchar ont remis le festival sur son piédestal sachant l'engouement modeste du public à l'entame de la manifestation. Airs mélodieux, envolées lyriques chatoyantes et débauche d'énergie des acteurs, le tout dans un décor scénique éblouissant, la prestation artistique de l'apothéose, saupoudrée de douces consonances maghrébines, a été un véritable baroud d'honneur artistique. En marge du festival, les promoteurs et les adeptes du style Aïssaoui ont à travers une bonne demi-douzaine de communications tenté de corriger les concepts et évacuer les préjugés dépréciatifs qui ont toujours entouré El Tarika El Aïssaouia l'apparentant à la dépravation. « L'aspect festif qui sous-tend la méthode des Aïssaoua véhicule en vérité une profonde philosophie théologique et un pur style scientifique et insurrectionnel apparu en Algérie (fin du XVIIIe début du XIXe siècles) et qui repose sur la dévotion, l'amour et l'unicité de Dieu, comme l'a si bien prêché le père spirituel et charismatique fondateur de l'ordre des Aïssaoua, Mohamed Ben Aïssa El Meknassi dit le cheikh El Kamel », martèle-t-on. Au-delà donc des madayeh, du tarab et de la transe que suggère El Tarika El Aïssaouia, celle-ci s'applique essentiellement à rompre avec les idées préconçues de charlatanisme, de derwacha, voire de sorcellerie. Les conférenciers ont surtout cherché à accréditer le principe selon lequel l'ordre des Aïssaoua ne s'appuie qu'accessoirement sur le chant et la danse et est avant tout un mouvement puritain et une discipline religieuse qui place la contemplation, l'évocation du seigneur (dikr) et sa grandeur divine au-delà de toute considération mondaine.