La pluie mouille, a-t-on coutume de dire. Mais dans les pays sous-équipés à l'instar de l'Algérie, pays faussement riche, elle tue aussi, détruit des habitations et emporte de précieuses choses sur son passage. Et c'est parce que chacun a en mémoire le drame précédent de Bab El Oued (il y a toujours un drame précédent), que personne ne s'est inquiété de voir la pluie venir apporter une couche de malheur dans les familles malheureuses. C'est que quelques habitations effondrées, c'est moins grave que 1000 morts, comme deux militaires assassinés à l'Ouest, c'est moins grave que 100 000 civils tués au milieu, la mort ayant cette faculté de devenir acceptable dès que l'on sait qu'elle peut franchement exagérer. Dans les années 1980, la sécheresse avait cru bon indiquer une fatalité à respecter aux pays à la recherche de développement ; soit il ne pleut pas et l'on peut dormir dehors en short même s'il n'y a rien à boire, soit il pleut et il y a de l'eau partout mais aussi des risques d'inondation. C'est ainsi que l'Algérien s'est consolé, en prenant le drame à l'envers ; même s'il y a des morts, les inondations ça lave puisque les communes ne le font pas, les inondations ça fait aussi les fruits moins chers puisque tout est cher. Peut-on avoir de l'eau sans inondation ? avait alors demandé une petite fille mouillée, un jerrican sous le bras. En théorie oui, tout comme on peut avoir la démocratie sans l'islamisme, les droits de l'homme sans le terrorisme, Bouteflika sans Zerhouni ou l'argent sans la corruption. En pratique, c'est différent, fatalement. Tout étant écrit à la main dans le livre en papier du mektoub, il est évident que tout s'efface quand il pleut. On pourrait, sans risque d'être diffamé, paraphraser l'imperméable ministre des catastrophes qui s'étonnerait de l'étonnement général. Il pleut ? Achetez des parapluies.