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Manœuvres frauduleuses dans l'importation des équipements
Marché des pâtes alimentaires
Publié dans El Watan le 10 - 11 - 2007

Plus de 9 millions de tonnes de pâtes alimentaires sont produites chaque année dans le monde. 40% de cette production sont accaparés par l'UE. Ce qui lui a valu de se positionner en leader incontesté en production et même en matière de consommation.
Actuellement, les pays africains représentent moins de 1% de la production mondiale. Alors que la Tunisie se classe à la 3e place mondiale, l'Algérie n'a même pas été citée ni parmi les pays consommateurs encore moins parmi ceux producteurs. Ce qui représente en Algérie un créneau juteux en pleine expansion, dont l'enjeu n'est plus à estimer. Ainsi, depuis le début de l'année 2000, les investisseurs algériens ont réussi à tisser des relations de partenariat avec leurs homologues étrangers notamment européens. L'agroalimentaire reste incontestablement en tête des créneaux les plus en vue tant du côté algérien qu'étranger. D'autant que l'Algérie est le 1er client maghrébin de la France et l'un des plus importants consommateurs de blé dur à travers le monde, sachant que l'Algérie consomme près de 50% des besoins en blé des pays du Maghreb. En conséquence, elle se positionne au 1er rang mondial des pays importateurs de blé dur avec 40 à 50 % des quantités échangées sur le marché mondial de l'ordre de près de 6 millions de tonnes. Ce qui leur a permis la conclusion de plusieurs contrats commerciaux dans le domaine de l'import/export. Certains d'entre eux ont investi le créneau de l'importation d'équipements industriels pour diverses considérations. Il s'agit notamment de répondre aux besoins des entreprises algériennes, dans le cadre de ce qu'on appelle les lignes de production. Malheureusement, certaines transactions commerciales conclues entre les parties algériennes et étrangères se sont avérées des manœuvres frauduleuses. Elles se sont répercutées négativement sur l'économie nationale. En effet, que les équipements industriels, destinés à faire fonctionner les entreprises algériennes et à augmenter leur rendement, se sont avérés du matériel vétuste. Les fournisseurs de ces équipements sont, selon des sources bien au fait de ce dossier, en majorité des entreprises italiennes et turques, qui auraient été frappées par une banqueroute depuis plusieurs années ou qui auraient modernisé leur chaîne de production. Cette situation n'a pas empêché celles-ci de décrocher des contrats d'exportation d'équipements industriels aux opérateurs algériens spécialisés dans la transformation des pâtes. Au lieu d'un renforcement ou d'une modernisation des processus de production des entreprises algériennes de fabrication des pâtes alimentaires, les anciennes installations italiennes ont été importées par quelques opérateurs algériens, sous emballage neuf. Selon toujours la même source : « La plupart des entreprises algériennes, qui ont eu recours à cette opération, fonctionnent aujourd'hui en deçà de leurs capacités de production. Les pannes répétées, dues à la vétusté des équipements importés, en sont la cause. Ces derniers auraient été déjà, utilisés puis rénovés ou réparés pour être réintroduits dans le circuit de production et de commercialisation. Cela est fait, avant leur livraison en Algérie, dans des conteneurs pour faire croire qu'il s'agit de matériel neuf. » En dépit du fait qu'ils ont été déclassés ou vétustes, ces équipements ont continué à être exportés sans que personne ne lève le petit doigt ou tire la sonnette d'alarme.
Qui contrôle la qualité de ce matériel ?
Pour mieux situer la responsabilité des uns et des autres organismes étatiques, nous avons contacté M. Aït Slimane, nouveau directeur de la douane de Annaba. Il s'est refusé à toutes déclarations arguant « qu'il vient d'être installé et n'est pas en mesure de se prononcer ». Du côté de la Direction de contrôle et la lutte contre la fraude (DCP), Mérabet Nacer, sous-directeur chargé du commerce extérieur, a bien voulu nous préciser : « Nos services n'interviennent pas dans le contrôle du matériel destiné à la production. Ils contrôlent par ailleurs, les produits agroalimentaires destinés à la consommation humaine. » L'infraction dans cette affaire réside dans le fait que les investisseurs algériens ont bénéficié, outre d'un prix dérisoire pour l'achat de ce matériel vétuste, d'avantages et facilités octroyés par l'Agence nationale de soutien à l'investissement (ANDI), pour importer en fin de compte, des équipements industriels usés. Ces investisseurs ont été exonérés d'impôts, notamment, de la taxe douanière. Branki Salim, directeur de l'agence ANDI de Annaba, a disculpé son agence en déclarant : « Nous n'avons aucune responsabilité technique en matière de contrôle du matériel importé. Nous recevons la déclaration d'investissement de l'opérateur économique où il bénéficie d'avantages. Ces derniers consistent à lui permettre de ne rien payer en matière de dédouanement, de franchise de tva au niveau local et exemption du droit d'enregistrement (2%) en cas d'acquisition d'une assiette de terrain destinée à la réalisation de son projet d'investissement. » Position similaire pour la direction des mines et d'industrie qui, contacté, Ali Benikhlef, directeur des mines et d'industrie à Annaba, a précisé : « Mes services n'ont aucune prérogative de contrôle des équipements de production. On intervient seulement, à la demande de la douane, dans le contrôle technique des véhicules touristiques ou utilitaires. » Cependant, tous les services contactés s'accordent à dire que seuls les services de douane sont habilités à faire intervenir une expertise technique à même de déterminer l'état des équipements importés. Donc, il est possible la vérification de ce trafic. D'autant qu'un lot de ce type d'équipements vient d'être réceptionné, selon notre source, récemment au niveau des ports d'Alger, de Béjaïa et de Skikda pour être dispatché à travers les entreprises algériennes activant dans la fabrication de pâtes alimentaires, notamment celles implantées dans les régions de Sétif, de Constantine et de Annaba. « La valeur de cette transaction est déclarée entre 10 et 20 milliards de centimes. Ce qui consacre ainsi la poursuite et le prolongement de l'hémorragie qui saigne l'économie nationale », précisent nos sources. Et d'ajouter « les équipements industriels vétustes déclarés neufs ont coûté réellement entre 10 et 20 millions de dinars. »
Important potentiel et réduction de 60% de la production
Le potentiel industriel existant compte 80 complexes agro-industriels regroupant près de 110 moulins entre minoteries et semouleries et des silos d'une capacité de stockage cumulée de 625 000 tonnes de blé. Ces complexes dépendent des 5 entreprises publiques Eriad (d'Alger, de Sétif, de Sidi Bel Abbès, de Tiaret et de Constantine). Chaque entreprise a entre 7 et 11 filiales. Avec ce potentiel, l'Algérie dispose d'une capacité de transformation non-négligeable. Jusqu'à 2002, selon les statistiques, ces moulins produisaient quelque 15 millions de quintaux de semoule et 14 millions de quintaux de farine. Aujourd'hui, ces capacités ont été amputées de plus de 60%. L'émergence du secteur privé dans ce créneau et l'absence d'un pouvoir de régulation ont été pour beaucoup dans cette situation, sachant qu'ils représentent près de 300 semouliers minotiers qui interviennent sur le marché de la semoule, de la farine, des pâtes et de la biscuiterie. Ainsi, les entreprises algériennes, notamment celles versées dans la fabrication des pâtes alimentaires, vivent des réalités amères. La spéculation sur les prix du blé, conjuguée à la chute des rendements des usines de fabrication de pâtes alimentaires due aux arrêts fréquents des équipements « neufs », laisse entrevoir que l'avenir de l'industrie de fabrication des pâtes en Algérie est loin d'être radieux. La moralisation de cette activité est incontournable, selon des experts en la matière, qui préconisent l'ouverture d'enquêtes à tous les niveaux, à même de protéger l'économie nationale de ces malversations. Cette démarche devra s'intéresser, selon la même source, aux mouvements commerciaux au niveau des ports pour l'année 2006 -2007 et au contrôle et suivi de tous ceux ayant un rapport avec les industries alimentaires, plus particulièrement les opérateurs privés versés dans la fabrication des pâtes alimentaires. La révision des critères d'attribution de crédits bancaires peut s'avérer un moyen efficace pour mettre fin aux transactions commerciales douteuses entre les opérateurs algériens et leurs homologues étrangers dans le domaine de l'importation d'équipements industriels vétustes, considérés comme neufs. Et par la même, éviter que l'Algérie ne soit la poubelle des équipements industriels déclassés et vétustes venus d'autres cieux. « Nous assistons à une concurrence déloyale dans le secteur de la production des pâtes. Le prix de revient des pâtes n'est pas le même pour ceux qui utilisent des chaînes de production rénovées et ceux qui ont importé un matériel neuf. Ce qui joue considérablement dans l'avenir de l'activité. Le plus grave encore concerne les répercussions négatives sur la cadence de production des entreprises, qui continuent de fonctionner en deçà de leurs capacités théoriques à cause de ces transactions commerciales douteuses », s'est lamenté un des producteurs de pâtes alimentaires.


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