Photo : S. Zoheir Par Smaïl Boughazi L'impact de la conjoncture internationale actuelle se fait ressentir de plus en plus en Algérie. Conscient de cette situation, le gouvernement a multiplié ces derniers temps les mesures tendant à se prémunir contre les effets néfastes de la crise. Celles contenues dans la loi de finances complémentaire sont de nature à mettre un frein aux importations tous azimuts, et le gouvernement est décidé, semble-t-il, à aller jusqu'au bout de cette logique. C'est ainsi que la mesure interdisant l'exportation des pâtes alimentaires et du couscous, annoncée par le ministre du Commerce El Hachemi Djaaboub, a pris de court de nombreux producteurs et transformateurs. Ce dernier a confirmé la semaine dernière l'interdiction de l'exportation de produits alimentaires subventionnés par l'Etat : «Ces produits alimentaires, de blé tendre et dur, sont subventionnés par l'Etat qui les achète à 4 000 DA le quintal et les cède aux minoteries à 2 000 DA le quintal afin que le citoyen puisse acheter la farine et la semoule à des prix raisonnables.» Il a toutefois précisé que «les opérateurs privés qui désirent exporter ces produits devaient importer la matière première par leurs propres fonds». La circulaire du ministère du Commerce, entrée en vigueur le mois dernier, a touché plusieurs exportateurs de pâtes alimentaires et de couscous. Elle concerne des produits tels que le blé dur, le blé tendre, l'orge, la semoule, la farine, les pâtes alimentaires, le couscous et le lait pasteurisé en sachet. De la sorte, les transformateurs et producteurs qui effectuent leurs achats auprès de l'Office algérien interprofessionnel des céréales ne sont plus autorisés à écouler leurs marchandises à l'étranger. Quant à ceux qui importent leurs matières premières, à en croire les dires du ministre, ils peuvent exporter normalement bien que les choses se présentent différemment pour les exportateurs. Certains d'entre eux ont estimé qu'ils se trouvent interdits d'exportation bien qu'ils importent eux-mêmes les matière premières. «Nous importons les matières premières par nos propres moyens et nous exportons vers 29 pays, y compris les Etats-Unis. Nous avons importé récemment 96 tonnes de blé pour les besoins de notre production et nous avons actuellement des milliers de tonnes de produits bloquées des suites de cette mesure», a affirmé à un confrère le patron du groupe SIM, l'un des exportateurs de pâtes alimentaires et de couscous. Il a précisé que son entreprise a des contrats en cours avec 29 pays, mais ils sont gelés à cause de cette disposition introduite par le département du Commerce. Vers la réduction de la facture des subventions ? Sur un autre volet, cette décision pourrait freiner un peu plus les exportations hors hydrocarbures, déjà insignifiantes. Estimées à près de deux milliards de dollars, les exportations agroalimentaires représentent une part non négligeable de la totalité des exportations. Selon les statistiques de l'Agence algérienne de promotion du commerce extérieur (Algex), plus de 21 000 tonnes de pâtes alimentaires ont été exportées durant les 8 premiers mois de cette année. Ce qui représente un peu plus de 14 millions de dollars. Pour le couscous, l'Algérie a exporté près de 4 000 tonnes durant la même période, soit 2,2 millions de dollars. Cependant, si l'on se réfère aux pratiques courantes dans ce domaine, subventionner les exportations est un acte très répandu de par le monde. Plusieurs pays pratiquent le dumping, et certains de la sphère Sud sont allés jusqu'à dénoncer ces pratiques qui causent d'énormes dégâts, notamment en Afrique qui reste un exemple édifiant des expériences machiavéliques des Occidentaux et même des multinationales. La crise alimentaire qui a ravagé les pays pauvres est due à ces pratiques illégales au regard des lois internationales. Des millions de personnes meurent de faim ou risquent à chaque instant de mourir à cause des subventions apportées par les gouvernements occidentaux à leurs agriculteurs. Il faut dire ainsi que cette mesure a deux facettes en Algérie. D'un côté, les exportateurs bénéficient des subventions étatiques comme le reste de la population, ce qui leur permet d'être concurrentiels sur le marché international et, de l'autre, le Trésor public perd des sommes importantes puisque l'aide destinée aux produits alimentaires de base et de première nécessité est colossale. En 2008, les subventions destinées aux produits alimentaires ont coûté 200 milliards de dinars, soit près de 2,5 milliards de dollars. Y a-t-il un moyen pour faire baisser cette facture salée ? Oui, disent les spécialistes. Il suffit de développer l'agriculture et d'augmenter la production agricole. D'ailleurs, les prémices d'une amélioration de la production céréalières ont été constatées cette année. Les chiffres officiels indiquent en outre que la facture des importations algériennes de produits alimentaires a connu en 2009 une baisse de 46,33%. Celle des céréales, des semoules et de la farine a enregistré une «forte» baisse de 74,72%, chutant de 447 millions de dollars à 113 millions. Cette même tendance a été enregistrée par les laits et produits laitiers, dont la facture s'est établie à 62 millions de dollars, contre 105 millions de dollars, soit une baisse de 40,95%. L'industrie agroalimentaire est aussi sur la bonne voie. Une enquête réalisée par l'ONS a révélé que la progression de l'activité de l'industrie agroalimentaire s'est poursuivie cette année. Les entreprises industrielles de l'agroalimentaire prévoient une hausse de la production en Algérie, de la demande et des effectifs, ainsi que de bonnes perspectives pour leur trésorerie. Il ne manque ainsi qu'une synergie entre tous ces facteurs pour garantir la sécurité alimentaire et, pourquoi pas, exporter.