Le chantier et les travaux de restauration que connaît le Théâtre régional de Batna n'ont pu empêcher, fort heureusement, les comédiennes et les comédiens de se donner la réplique sur une planche étroite, pour une pièce si attendue. Jugurtha d'après un texte de l'écrivain et romancier Khaled Bouali et une mise en scène de la grande comédienne Sonia, sollicitée par le Théâtre régional de Batna pour la circonstance. C'est sous une lumière blafarde pour cause de travaux que débute la pièce. Nous sommes en 140 avant J.-C. Le souverain Micipsa vient de recevoir une lettre de son ami Scipion Emilien lui réclamant des soldats et des éléphants. Il était chargé de mener la guerre contre la ville de Numance (Espagne) qui bravait les Romains depuis neuf ans. Micipsa décide d'y envoyer son bouillant neveu Jugurtha pour s'en débarrasser. C'est sûr, pense-t-il, qu'il s'exposera aux dangers et tombera sous les coups des terribles guerriers espagnols. Or, le contraire se produisit. Jugurtha rentra plus glorieux que jamais et alors commença le début d'une cabale contre le guerrier berbère jusqu'à son humiliation et son exécution. La chronologie des événements a été respectée dans les moindres détails : les princes ennemis, le siège de Cirta, la déclaration de guerre, l'armée romaine sous le joug, la bataille de Muthul, le guerrier et sa dulcinée, la trahison en marche, Marius en Afrique, la trahison de Bocchus, l'humiliation et l'exécution de Jugurtha. A la fin du spectacle, c'est un sentiment de fort envoûtement et d'impuissance qui gagne les quelques invités privilégiés conviés à cette avant- première qui présentait certaines imperfections nécessitant un recadrement pour renouer avec l'histoire millénaire grâce au 4e art. Des plus chevronnés aux jeunes protagonistes, les comédiens ont fourni un double sinon un triple effort, surtout que les dialogues sont en arabe classique (pour des raisons inconnues), ce qui enlève une partie de la spontanéité. Les costumes de très bonne facture ont donné des allures réelles aux comédiens qui se sont surpassés, à l'exemple du jeune Ben Brahim interprétant Himpssal, ou encore Bomilcar le bras droit de Jugurtha, joué avec verve et pugnacité par le très prometteur Oujite, sans oublier El Henni (Micipsa) brisant à l'occasion le stéréotype du rôle comique. La gent féminine elle aussi n'a pas démérité. La rivalité était au rendez-vous et le jeu des comédiennes sans reproche. Si l'expérience a tardé pour se concrétiser et voir le jour, maintenant elle est bel et bien là. En dépit du personnage, qui reste une figure de légende, symbole de la résistance à l'invasion étrangère, il n'a cependant fait l'objet d'aucune étude et reste mal connu par sa propre descendance. Ce travail peut être considéré comme un hommage des plus modestes à un ancêtre que seuls la mémoire et le génie populaires ont pu sauver d'un oubli certain.