Le revers essuyé la semaine dernière par le ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, à l'APN, lors de l'adoption de la loi de finances pour 2005, pose une question considérée jusque-là comme taboue : celle de l'utilité de la coalition gouvernementale. Le comportement, le jour du vote de la feuille de route financière de l'Exécutif, des députés du MSP et du FLN, deux formations composant avec le RND cette coalition, a montré que la formation de Bouguerra Soltani et les « frontistes » du Parlement n'étaient pas prêts à soutenir aveuglément le programme du gouvernement. L'opposition exprimée par les parlementaires du MSP et du FLN à certaines dispositions du texte de loi, présenté pourtant comme « importantes » par le premier argentier du pays, a eu pour effet de remettre directement en cause les engagements contractés par leurs formations respectives dans le cadre de la coalition gouvernementale. Une association reconfigurée en Alliance présidentielle à la veille de l'élection du 8 avril 2004. Dans ce « sursaut d'orgueil » des plus inattendus des membres de la coalition connus d'habitude pour leur docilité à l'égard du gouvernement, les députés du RND ont été les seuls à défendre les choix financiers et budgétaires de Abdelatif Benachenhou et à rappeler leur penchant pour le libéralisme. Les députés des formations de la coalition qui se sont retrouvés, du jour au lendemain, dans le camp de l'opposition à l'APN ont justement invoqué les « dérives libérales » de la nouvelle loi de finances et les « répercussions négatives » sur les consommateurs des augmentations proposées pour justifier leur attitude de rejet et leur désolidarisation du gouvernement. Mais en s'adjugeant, aux yeux de l'opinion, le rôle gratifiant de défenseurs des intérêts des consommateurs et de la société, les « frontistes » et les « hamasistes », grâce auxquels, estiment les observateurs, l'APN a retrouvé « sa dignité et sa crédibilité », ont placé, du coup, leurs formations respectives dans une posture d'insubordination dont il n'est pas dit qu'elle ne débouchera pas sur une crise de confiance. Et la réponse à la question consistant à essayer de savoir si l'attitude « hostile » des députés du MSP et du FLN correspond juste à une « parenthèse regrettable » explicable par la confusion générale ayant entouré le travail de la commission finances de l'APN et ne renvoie pas à un changement de cap de leurs partis respectifs permettra sans aucun doute d'apprécier la profondeur de cette crise. Crise de confiance Dans le cas du FLN, il est difficile de savoir quelle logique en particulier motive ses députés. Depuis la fin de l'ère Benflis, le « vieux front » enchaîne les crises et ne semble pas avoir un seul centre de décision. Cela expliquerait d'ailleurs la variabilité et la versatilité de ses parlementaires. En cet instant, les regards doivent surtout être braqués sur le MSP. Bien huilé et réputé pour la discipline de ses membres, le parti ne s'est pas illustré par une sortie de ses députés relevant du registre de la rébellion. Au-delà des raisons « techniques » invoquées, le parti dirigé par Bouguerra Soltani a-t-il eu d'autres motifs pouvant expliquer sa décision de barrer la route au ministre des Finances ? Répondre à la question équivaudrait assurément à savoir si les dirigeants du MSP sont satisfaits de la cohabitation gouvernementale. A l'exception des déclarations de circonstance, peu d'éléments concernant l'état des relations au sein de la coalition filtrent actuellement. A part, peut-être, l'empressement exprimé par tous de voir la crise du FLN trouver un épilogue. En l'absence de pistes sérieuses, il est à retenir pour le moment l'hypothèse de « la crise politique » brandie par le ministre du Commerce et la colère contenue du ministre des Finances au lendemain de l'adoption du projet de loi de finances pour 2005 par l'APN. Au plan des faits, Abdelatif Benachenhou n'a pas vraiment perdu la bataille de l'APN dans la mesure où les dispositions devant permettre d'accélérer les réformes (budgétisation des dettes des entreprises publiques) sont passées. L'intervention des députés n'a en réalité portée que sur des éléments accessoires du projet de texte de loi de finances qui étaient destinés, de toute manière, à être triturés (augmentations des prix du carburant et des eaux minérales). Le vent de la contestation qui a soufflé sur la coalition peut toutefois amener le président de la République à s'interroger sur l'utilité de poursuivre son « compagnonnage » avec des formations dont le soutien n'est pas garanti. Confronté à l'imposant défi des réformes, il est difficile d'imaginer le chef de l'Etat admettre la présence au sein de l'Exécutif de maillons faibles peu convaincus de son projet. Les annonces récurrentes concernant l'imminence d'un remaniement ministériel laissent penser que le président Bouteflika a déjà pris sa décision. Et vraisemblablement l'idée du Président est de s'entourer d'un gouvernement de technocrates et de faire du RND l'élément pivot de sa démarche de changement.