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Point de vue
« Nous sommes tous coupables »
Publié dans El Watan le 17 - 11 - 2004

En 1980, des navires ont coulé dans les ports de l'ouest du pays suite à une tempête. A cette époque, les ports se sont plaints du manque de moyens de prévision météorologique et la météo fut incriminée.
Pour parer à cette déficience, les capitaineries, dont celle d'Alger, furent dotées des moyens en question. La technologie actuelle permet aux navires de recevoir les prévisions météorologiques à tout instant. Mais à quoi bon être au courant de l'arrivée d'une tempête lorsqu'on est démuni de moyens techniques pour faire face. Le transport maritime s'effectue à l'aide de navires modernes qui ont besoin de ports sûrs et qui répondent aux normes de sécurité édictées par la réglementation internationale. Cette condition est imposée par les armateurs étrangers frêteurs de leurs navires aux armements nationaux pour le transport de nos marchandises importées. A l'étranger, dans les pays à tradition maritime, l'Etat, via les chambres de commerce, finance la construction de ports pour répondre aux besoins des armements. La compétition oblige ces derniers à renouveler constamment leur flotte pour l'adapter aux besoins du marché. De nouveaux navires viennent remplacer ceux qui ne répondent plus ou ne s'adaptent plus aux besoins. Le désinvestissement de ces navires vétustes se fait rapidement sans difficultés et les armateurs n'attendent pas deux à trois années une décision des pouvoirs publics qui arrive quand le marché a changé. Les armements ont la latitude de décider du choix de la date de remplacement de leur unité en fonction de leur planification commerciale. Ils disposent de l'aide de l'Etat pour la mise à leur disposition de ports d'abris aménagés pour le désarmement économique des navires, leur relâche, leur réparation et autres soutiens. La sécurité est un mot noble dans le maritime si en tant que commandant d'un navire algérien dans un port étranger vous signalez aux autorités portuaires que votre navire ne peut prendre la mer pour des raisons techniques, non seulement on met à votre disposition un quai adapté pour pouvoir réparer mais, en plus, on vous interdit de prendre la mer dans ces conditions. Tout cela au nom du respect et de la sauvegarde de la vie humaine en mer. En Algérie, les ports vous demanderont de quitter le quai et de sortir sur rade pour régler vos problèmes techniques au nom de la commercialité. Que peut donc faire la CNAN en attente d'une autorisation de désinvestissement de sa flotte vétuste et son renouvellement, sinon de mettre certains de ses navires, démunis de moyens, sur rade ou en abandon sur des quais à l'étranger, avec ce que cela suppose en charge économique supplémentaire. Un éternel conflit subsiste au niveau du ministère du Transport entre la direction des ports et celle de la marine marchande. Ces deux administrations sont victimes des lourdeurs administratives et leurs intérêts sont parfois incompatibles. La législation maritime doit être révisée pour s'adapter aux nouveaux défis qui attendent l'Algérie. Les armements privés algériens qui commencent à émerger devraient profiter de l'expérience soutirée des conséquences de ces éternels conflits administratifs entre l'armement national (ex-unique) et les ports qui n'ont pas la vocation d'être autonomes. Ces conflits d'autorité entre deux administrations d'un même ministère ont eu pour conséquence dans le passé des répercussions économiques assez conséquentes. Aujourd'hui, elles ont entraîné la mort de plusieurs marins, victimes du devoir d'obéissance à l'incompétence. Aujourd'hui, la marine marchande est orpheline, elle a besoin de tuteur aux bras longs et aux épaules larges pour résoudre ses problèmes. Le capital expérience existe, il suffit de le laisser s'exprimer pour donner son point de vue pour que de la consultation à travers une réelle démocratie émerge une politique maritime moderne adaptée aux besoins du moment, privée ou nationale qu'importe. N'incriminons personne, nous sommes tous coupables soit par notre incompétence ou par notre silence complice. Si l'Algérie veut sincèrement se doter d'une marine marchande forte, répondant aux besoins de son économie, elle n'a qu'à faire appel à ses enfants et les écouter au lieu de les étouffer. Article rédigé en hommage à la mémoire des marins morts ou disparus.
Par Sebillot Mohamed
Commandant, capitaine au long cours/Pilote ex-chef de la station de pilotage du port d'Alger


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