Le président pakistanais Pervez Musharraf semble cette fois engagé dans le terrible engrenage de la surenchère. Lui qui vient d'être déclaré élu, a proposé peu avant le verdict de la Cour suprême qui a statué hier sur la validité du scrutin présidentiel du 6 octobre, a tout simplement proposé d'organiser des élections générales le 8 janvier prochain, une date initialement retenue pour le seul renouvellement de la Chambre des députés. Musharraf, qui oppose ainsi une fin de non-recevoir à l'un des piliers de l'opposition Mme Benazir Bhutto lui demandant de démissionner, a annoncé, dimanche, avoir proposé, à la Commission électorale, la date du 8 janvier 2008 pour la tenue d'élections générales au Pakistan. Lors d'un dîner à Karachi, la capitale économique du pays, M. Musharraf a exprimé son souhait de voir les élections générales « se tenir le 8 janvier », ajoute la même source. Une telle offre a été faite exactement 24 heures avant le rejet hier par la Cour suprême du Pakistan de cinq des principaux recours de l'opposition contre la réélection le 6 octobre du président Pervez Musharraf, n'en retenant qu'un seul qui sera examiné en audience jeudi, a annoncé l'avocat du gouvernement. La plus haute juridiction de l'Etat, remaniée pour une composition plus favorable au général Musharraf à la faveur de l'état d'urgence qu'il a décrété le 3 novembre, devait examiner des recours sur la validité du scrutin présidentiel du 6 octobre mais aussi sur l'éligibilité de M. Musharraf, contestée par l'opposition. « Cinq recours ont tous été rejetés, il n'en reste qu'un, qui sera examiné jeudi », a annoncé, Malik Mohammad Qayyum, procureur général du Pakistan, le principal avocat du gouvernement dans le droit pakistanais. Et sur un autre front et qui constitue une des caractéristiques de ce pays, l'armée a annoncé hier qu'elle était parvenue à enrayer la spirale d'affrontements violents entre musulmans sunnites et chiites qui ont fait une centaine de morts en trois jours dans des zones tribales du nord-ouest du Pakistan, frontalières avec l'Afghanistan. Le bilan final est d'au moins une centaine de morts depuis le début des accrochages entre tribus des deux obédiences de l'Islam dans le district de Kurram, dans la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP), bordant l'Afghanistan, et dont Peshawar est la ville principale, a indiqué un haut responsable des forces de sécurité, sous le couvert de l'anonymat. Mais il pourrait s'accroître parce que des corps gisent toujours dans des maisons dont personne ne peut sortir en raison d'un couvre-feu imposé dans certaines zones par l'armée et dont la durée est encore indéterminée, a ajouté cette source. Des habitants du district, qui ont décrit des scènes d'échange de tirs entre combattants de tribus rivales depuis le toit des maisons, ont assuré qu'au-moins 35 corps avaient été inhumés lundi matin à la faveur d'une accalmie à Parachinar, ville principale du district. Les tribus sunnite et chiite se sont même battues à coups de mortiers et de lance-roquettes, ont raconté des habitants de Parachinar. Le bilan officiel est de 92 morts depuis que les affrontements ont commencé vendredi et près de 200 blessés. Parachinar avait déjà été le théâtre de violents affrontements inter-religieux qui avaient fait au moins 55 morts en avril. Les chiites représentent seulement 20% des 160 millions de Pakistanais, musulmans pour la quasi-totalité, mais sont majoritaires à Parachinar. Les deux communautés cohabitent pacifiquement la plupart du temps mais des affrontements éclatent à intervalles plus ou moins réguliers. Un autre volet semble, quant à lui, intéresser fortement les Américains qui auraient imaginé un plan pour le recrutement de leaders tribaux au Pakistan pour combattre les talibans et Al Qaîda. C'est ce que rapporte le New York Times. Le quotidien new-yorkais explique que certains éléments du plan, toujours selon le Times, ont déjà reçu un feu vert de principe de la part du Pentagone et de ses partenaires pakistanais. Le projet implique un budget de 350 millions de dollars (238 millions d'euros) pour l'entraînement et l'équipement du Pakistani Frontier Corps, un groupe paramilitaire qui compte 85 000 membres principalement issus des tribus frontalières. C'est ce qui explique toute la complexité de la situation au Pakistan. Ce que l'opposition partie à l'assaut du pouvoir ne nie pas, mais pour elle, le seul responsable, c'est Musharraf.