La salle Ibn Zeydoun avait du mal à contenir tout ce beau monde, venu s'enivrer jusque tard dans la nuit, de quelques qacidate, façon singulière de se remémorer les souvenirs indélébiles. L'assistance était composée essentiellement de familles. Une ambiance festive y régnait. Organisé par le Centre des loisirs scientifiques d'El Mouradia et l'association Fen El Acil avec la collaboration de l'OREF, le Festival amateur de châabi a eu le mérite de faire découvrir de nouvelles voix prometteuses. Avant d'annoncer les résultats de ce concours, l'orchestre de l'association Fen El Acil, sous la direction du cheikh H'sissen, a revisité le patrimoine musical andalou en interprétant entre autres Sika touchia, inquileb Ya qualbi khali elhell, insiref Ya chabih, Tallal el hille, Nour al assel, Inkhillas. D'une voix émue, l'animatrice donne la liste des finalistes. Sur les 13 candidats retenus, seulement quatre ont été récompensés. Les lauréats respectifs, à savoir Mohamed Hamdani, Karim Menzi, Mohamed Belassel et Djamila Yssaâd se sont vu recevoir des diplômes honorifiques... et une somme d'argent. Par la suite, chacun a présenté son programme. Par galanterie, l'honneur est revenu à Djamila Yssaâd de se produire la première sur scène pour présenter son répertoire. D'une voix divine et sans instrument, elle a chanté Sarf (zidane), isthikbar (zidane), Mir El Gharame et Lakiete habib. Les trois autres heureux élus ont, eux aussi, repris le même registre entrant dans le concours et autres sélections. Tous se sont plus à reprendre avec brio les fameux standards de Hadj M'hamed El Anka. L'esprit du phénix de la chanson chaâbi était omniprésent au cours de cette soirée. Belassel Mohamed a entonné merveilleusement Koultou li habibi izourni mara fi el zamen, Koul ma yatini. Karim Menzi a repris un insiraf et Mohamed Hamdani s'est substitué au maître du chaâbi pour chanter entre autres Salou ala habibi. Comme l'a si bien dit le président et organisateur de ce festival, H'sissen, l'interprète, musicien et artiste peintre, il a été très difficile de départager les candidats. Cependant, le chanteur Mohamed Belassel a tenu à préciser en aparté qu'il a compris une partie du chaâbi. Ingénieur en informatique et fervent fan d'El Anka, il avoue faire de la recherche dans le châabi. « Je m'intéresse au côté scientifique de cette musique. Il est important de signaler que le chaâbi demeure un domaine inexploré », dit-il sur un ton convaincant. Les autres candidats ont affirmé, pour leur part, que leur devoir est de préserver cette musique ancestrale. Ceux-ci ont été gratifiés d'un diplôme de participation. Les membres du jury n'ont pas été omis puisque des diplômes d'expérience leur ont été remis. Les membres du jury, par la suite, se sont essayés au chaâbi en poussant plus d'une petite... chanson. Le digne héritier d'El Anka a ému l'assistance en chantant deux de ses propres créations dont Ya rabi khalek el kaoune et El Ftila. Ces deux titres ont suscité d'intenses moments de souvenir et de nostalgie. De sa voix grave, il a dénoncé la situation actuelle du châabi tout en passant en revue la situation du pays. Un pays qui a perdu certaines valeurs. Les chanteurs Mohamed Bentobbal et Rahma Boualem ont eux aussi gratifié le public d'une belle prestation. Cette sublime soirée a été ponctuée de youyous, d'applaudissements... et de pas de danse. Le public avait d'ailleurs du mal à tenir en place. Cette première édition du festival chaâbi amateur a eu le mérite d'éclore certains talents au parfum du jour, mais dommage que les médias n'aient pas couvert l'événement, c'est du moins ce qu'a tenu à préciser le président et chanteur H'sissen. « A présent, je suis sûr que la relève du chaâbi est assurée pour peu que ces talents soient pris sérieusement en charge. » Rendez-vous étant pris pour la deuxième édition, prévue l'année prochaine. Un RDV qui s'annonce ambitieux et intéressant.