Encore un vaste réseau national lié à la mafia des déchets ferreux et non ferreux et spécialisé dans les vols de câbles électriques et téléphoniques vient d'être démantelé par les services de sécurité, apprend-on de source sûre. Plus d'une quarantaine de containers bourrés de câbles, de bobines de cuivre neuves et de ferraille ont été récupérés dans six sites d'entreposage situés à l'est d'Alger et autant dans d'autres wilayas, alors qu'au moins une dizaine de personnes, notamment des ressortissants tunisiens et palestiniens, ont été interpellées. D'autres containers ont réussi à être exportés avant même que les services de sécurité ne les saisissent. Selon nos interlocuteurs, il s'agit là d'une véritable organisation avec d'importantes ramifications à l'échelle nationale, bénéficiant des largesses d'agents véreux de l'administration douanière, fiscale et de la Banque centrale. Chacune des filières de cette organisation a sa propre mission : repérage des sites à piller, vol des câbles, tri de ces derniers lors de leur entreposage, puis la confection de vrais-faux dossiers pour leur dédouanement. Les investigations des services de sécurité se poursuivent toujours et vont toucher plusieurs autres wilayas. Les premières descentes des services de sécurité ont permis la découverte de onze containers dans un parc à Bordj El Kiffan. Ils avaient été liquidés (dédouanés) et déclarés grâce à un prête-nom au port de Skikda pour être exportés. Comment ont-ils quitté ce port pour se retrouver à Bordj El Kiffan ? Selon des sources proches de l'enquête, les propriétaires de ces containers ont été informés par leurs complices (au sein de l'administration) du déclenchement de cette enquête, ce qui les a poussés à prendre la décision de cacher la marchandise dans un parc, loin de l'enceinte portuaire. En fait, les câbles téléphoniques et électriques ainsi que les bobines de cuivre neuves appartiennent à Sonelgaz et aux P et T. Ils ont été volés durant cette année, un peu partout à l'échelle nationale, notamment à Alger, Médéa et Batna. Citées par les enquêteurs, les P et T et Sonelgaz ont reconnu leurs produits et déposé plainte pour, entre autres, « vol et dégradation de biens publics ». Les enquêteurs, nous a-t-on précisé, sont en train de remonter toutes les filières de cette organisation criminelle, dont les barons utilisent des prête-noms et de fausses factures pour exporter la marchandise vers l'étranger en procédant à de fausses déclarations douanières sur le prix, l'origine, la valeur et même l'espèce. Il y a quelques jours seulement, un navire a quitté le port de Dellys avec à son bord de la ferraille déclarée à 87 dollars la tonne (en FOB), alors que son prix réel à l'échelle internationale dépasse les 160 dollars la tonne, comme le prouvent des factures en notre possession. A Oran, durant la semaine dernière, un navire a quitté le port en direction de Marseille avant même que l'authentification douanière ne soit faite. Ce qui a poussé la direction générale des Douanes à ouvrir une enquête pour déterminer les responsabilités. Depuis des années, cette administration se heurte au problème de la mercuriale des prix de ces déchets cotés en Bourse. Cette mercuriale, qui doit être revue tous les 90 jours par la commission interministérielle (présidée par le ministre du Commerce et composée des représentants de la Banque d'Algérie, des Douanes et du commerce), n'a pas changé depuis 2001. Selon nos interlocuteurs, le ministère du Commerce a, dans un courrier adressé ce mois-ci à la direction des Douanes, maintenu les mêmes prix de 2001, alors que ces derniers ont doublé, voire triplé sur le marché. Dans quel but ? On n'en sait rien. Pour sa part, la Banque d'Algérie observe un mutisme inquiétant, pour ne pas dire laxiste, à l'égard de ces exportateurs fraudeurs puisque aucune mesure conservatoire n'a été prise à leur encontre en dépit du fait qu'ils ne rapatrient jamais les revenus de leurs exportations. Ce qui est en totale violation avec les dispositions de l'ordonnance 03/01 de février 2003 relative à la monnaie et au crédit qui prévoient en pareil cas la confiscation du produit, une amende de deux fois sa valeur assortie d'une peine de 2 à 7 ans de prison ferme. Le maintien d'aussi bas prix par le ministère du Commerce, le silence de la Banque d'Algérie et l'absence de vigilance de certains agents des services des douanes encouragent la mafia des déchets ferreux et non ferreux à poursuivre ces actes de sabotage des installations publiques. Il y a quelques jours seulement, le ministre des P et T, Amar Tou, a déclaré que durant 2004, il y a eu au moins 90 opérations de vol au niveau national. Selon lui, ces actes de pillage causent chaque année une perte financière de plusieurs dizaines de milliards de centimes. `