Le déplacement de Sarko dans notre pays a fait des gorges chaudes de l'autre côté de la Méditerranée. Les grands médias de l'audiovisuel -télés et radios—se sont à l'unisson focalisés sur les propos maladroits tenus par notre ministre des moudjahidine à la veille d'une visite officielle du Président français considérée et attendue par les deux pays comme une opportunité historique pour essayer de lever les zones d'ombre qui parasitent leurs relations. Mohamed-Chérif Abbas connu pour être quelqu'un qui s'est toujours arrangé pour éviter les opérations médiatiques tapageuses est en effet, à la surprise générale, sorti de sa réserve pour aller déclarer au journal arabophone El-Khabar que l'hôte de l'Algérie doit au lobby juif son élection à la tête de l'Etat français. Au-delà du fait que ces propos ont été interprétés comme une ingérence dans les affaires d'un pays, c'est davantage leur contenu antisémite qui a irrité, à juste titre d'ailleurs, la presse de l'Hexagone au point de l'amener à se poser la question de savoir si Sarkozy devait ou non annuler son déplacement. Il faut dire, comme nous l'ont appris certains journaux proches de l'Elysée, que la déclaration du ministre des moudjahidine a été prise en considération en haut lieu et retenue comme une grave dérive diplomatique qui appelait des éclaircissements auprès de notre ambassade à Paris. D'autant, a-t-on souligné, que l'establishment français avait la certitude que le ministre algérien responsable de tout ce remue-ménage n'a pas jeté un pavé aussi lourd dans la mare s'il n'était pas en service commandé. Comprendre que Mohamed-Chérif Abbas n'aurait jamais pris seul une telle initiative d'attaquer avec virulence le chef d'Etat français s'il n'y avait pas derrière lui une couverture. Y a-t-il donc un jeu politique algérien à double face qui nourrit d'abord la tension avant de l'apaiser ? Sur toute cette polémique qui a soulevé en France un tollé médiatique, notre télévision nationale a jugé utile de garder le silence. C'est aux autres de faire les commentaires. Les partis politiques ? Là aussi rien à gratter... ou plutôt il y a Saïd Sadi qui a le sentiment de déceler le mystère de cette formule en pensant que “la sortie pour le moins indélicate du ministre des moudjahidine révèle à la fois les incohérences du pouvoir et probablement les manœuvres par lesquelles nos dirigeants croient pouvoir abuser l'opinion”. Le leader du RCD fait ainsi le parallèle entre la venue avortée d'Enrico Macias en 2000 quand des agents politiques avaient été instrumentalisés pour s'opposer à sa visite et celle de Sarkozy où le même procédé a été réactivé pour permettre à Bouteflika de se poser comme un dirigeant confronté à des clans archaïques qui freinent son action... Ces élucubrations ont-elles encore un sens tactique quand au bout du scénario —si scénario il y a— le Président français a mis tout le monde d'accord en affirmant avec tact que “l'incident est clos et qu'il viendrait en ami en Algérie” prenant, toutefois, le soin de préciser aux journalistes de TFI et France2 qu'en signe d'apaisement il a reçu du président algérien un coup de fil qui remet en quelque sorte les choses à leur place. Dans l'interview accordée à ces deux chaînes de télévision qui était consacrée d'abord aux problèmes français, il a indiqué que le Président Bouteflika lui avait répété que les déclarations du ministre des moudjahidine ne reflétaient en rien la position de l'Algérie. Voilà, tout est bien qui finit bien puisque Sarkozy a été bien accueilli dans notre pays, sans enthousiasme particulier certes, mais dans les limites protocolaires dues à son rang. Un retour à la normale auquel a contribué le ministre des affaires étrangères en donnant sur France 24 une image plus juste de l'Algérie où les sentiments antisémites ne sont pas répandus comme on a tendance à le faire croire. Reste que la bourde de Mohamed-Chérif Abbas qui a certainement dû faire une grosse confusion entre juif et sioniste est bien réelle. Une bourde que Bouteflika a dû désavouer par un communiqué laconique balancé à l'APS par lequel il a tenu à souligner que “constitutionnellement, la politique extérieure relève du domaine réservé du Président de la République et de ses plénipotentiaires dont le ministre des AE en particulier”, constitue un cas d'espèce rare en matière de stratégie politique et diplomatique. Bien qu'affirmant à son tour qu'“il n'a jamais été dans son intention de porter atteinte à l'image d'un chef d'Etat” et que les propos que lui ont prêtés certains journaux ne sont que pures spéculations, le ministre algérien à l'origine de cette polémique semble avoir été sacrifié sur l'autel de la sauvegarde des intérêts réciproques pour sauver les apparences. La sanction n'a pas tardé à tomber puisqu'il a été écarté du protocole à l'arrivée de Sarkozy à Alger. Cela pour prouver à l'hôte de l'Algérie et à la forte délégation d'hommes d'affaires qui l'accompagnait qu'au-delà des humeurs des uns et des autres seule compte la relance de la coopération économique profitable aux deux pays. Si cependant des contrats commerciaux importants ont été signés qui ont ravi les deux parties, la visite de Nicolas Sarkozy a été très discrète sur le plan politique. Les Algériens l'attendaient particulièrement sur la question du Sahara occidental suite à ses prises de position lors de son séjour marocain en porte-à-faux avec les résolutions de l'ONU. Mais apparemment il s'est trop engagé dans cette voie pour faire demi tour. La France a-t-elle plus d'intérêts à défendre au Maroc qu'en Algérie ? Faut croire...