La situation des travailleurs de la compagnie américaine Baker Atlas de Hassi Messaoud, en grève depuis le 27 novembre dernier, a pris des proportions alarmantes durant le week-end suite au refus du manager égyptien de l'entreprise, saisi par huissier de justice, d'exécuter le jugement en référé rendu le 3 décembre par le tribunal de Hassi Messaoud. Ils sont 45 grévistes, dont trois femmes, l'une enceinte, à dormir à la belle étoile depuis sept nuits. Alors que le jugement en référé exhortait l'employeur au rétablissement immédiat des travailleurs dans leur chambre et la remise en fonction de l'électricité et de l'eau, le refus d'exécuter cette décision de la justice algérienne donne une nouvelle proportion à ce conflit qui se déroule en plein Hassi Messaoud entre des travailleurs algériens et un manager étranger dans la filiale de droit algérien d'une multinationale américaine. Cela fait exactement treize jours que les travailleurs de Baker Atlas, filiale de Baker Hugues, se sont collectivement révoltés contre le licenciement brutal de deux de leurs collègues. Et cela fait sept jours que ces travailleurs résidant à Irara sont interdits de logement, de nourriture et des commodités vitales telles que l'eau, l'électricité et les toilettes. Selon nos informations, pour la troisième fois consécutive, le manager de la compagnie a refusé d'exécuter le jugement rendu le 3 décembre par le tribunal de Hassi Messaoud et qui n'a pu être exécuté durant deux jours par l'unique huissier de justice de Hassi Messaoud et finalement pris en charge le 5 décembre par un huissier diligenté de Ouargla. L'équipe du Croissant-Rouge algérien alertée jeudi sur les risques d'atteinte à l'intégrité physique des grévistes a été informée qu'il n'y avait pas d'interdiction d'admission de la nourriture. Cette dernière a décidé de dresser un rapport aux autorités compétentes concernant la situation hygiénique des grévistes et le risque de maladies. Ceci pour les rebondissements du week-end. Par ailleurs, contactés depuis mardi dernier par téléphone, les responsables de Baker Atlas qui étaient injoignables le jour même ont fini par être alertés par nos appels. Mercredi, notre interlocuteur nous a demandé de rappeler dans une demi-heure, mais par la suite, on ne répondait plus au téléphone. Jeudi dernier, la réponse fut de reprendre contact dimanche pour prendre rendez-vous. Et pour en revenir à l'historique du conflit tel que relaté par le représentant des travailleurs, licencié verbalement depuis 13 jours suite à sa participation à l'audition d'un collègue suspendu par l'administration qu'il a jugé partiale et bâclée. M. Amoura, ingénieur et porte-parole des travailleurs de Baker Atlas, nous explique que l'agent suspendu n'est autre que le relex de la compagnie qui était ainsi que lui représentants des travailleurs chargés de la création de la section syndicale de l'entreprise deux mois plutôt. Selon lui, « les raisons de la suspension et du licenciement verbaux avec reconduction bagages en main par les vigiles devant la porte de la base viennent en fait après deux mois de persécution due à l'hostilité de l'équipe managériale quant à la syndication des travailleurs. D'où la grève spontanée des collègues qui ne demandaient que notre réintégration ». Ainsi, cette grève de solidarité n'a pas respecté la procédure légale de dépôt de préavis avant son déclenchement puisque les travailleurs estiment que « le recours à la grève est survenu devant une situation de crise et que, comme tous les travailleurs des sociétés étrangères, hormis Schlumberger qui est la seule compagnie qui a toléré la création d'une section syndicale, ils sont livrés à eux- mêmes et ne bénéficient d'aucune assistance de la part des instances chargées de l'application du code du travail ». La grève est donc illégale à la fois aux yeux de l'employeur et de l'inspection du travail. La prise de contact avec l'inspection du travail s'est effectivement faite la veille de la grève auprès de l'inspecteur du travail de Hassi Messaoud pour une médiation concernant les différents problèmes socioprofessionnels énumérés dans un rapport signé par 65 travailleurs. Ce dernier aurait conseillé de ne pas recourir à un arrêt de travail collectif qui serait illégal tout en promettant d'envoyer un représentant l'après-midi même ou le lendemain. La visite de l'inspecteur du travail diligenté à Baker Atlas n'a pas réussi à dénouer le problème vu que la grève s'est déclenchée et poursuivie à ce jour avec entre temps le licenciement de 53 travailleurs durant le week-end dernier en présence d'un huissier de justice convoqué par la compagnie alors qu'ils refusaient de recevoir leurs lettres de licenciement. Le 30 novembre dernier, la délégation de l'inspection de wilaya du travail s'est heurtée à un licenciement collectif de 53 travailleurs non notifié entre temps à la justice puisque la grève illégale ne l'a pas été. La négociation de la délégation avec l'administration s'est focalisée sur la réintégration des licenciés hormis le travailleur objet de la grève dont le cas devait être traité à part pour éviter l'envenimation de la situation. Suite au refus du manager de les réintégrer, les inspecteurs ont préconisé le retrait des lettres de licenciement pour les traiter rapidement cas par cas, mais les travailleurs refusent l'individualisation du problème collectif. L'intervention de l'inspection ayant échoué, la compagnie a entrepris de contraindre les travailleurs à évacuer la base vie et à regagner leur domicile en fermant une partie de celle-ci, coupant l'eau et l'électricité. En attendant, les décisions de la justice algérienne sont bafouées et les travailleurs dorment en plein hiver à la belle étoile.