Des signes forts qui indiquent la mesure du caractère figé et réactionnaire du dispositif audiovisuel algérien sous monopole sont à lire, en prisme évolutif, dans le permanent renforcement des dispositifs d'action audiovisuelle étrangère, notamment francophone et des puissances du Golfe qui ciblent notre pays. Il en est ainsi actuellement de la profonde réforme des structures du domaine en préparation en France. L'action audiovisuelle extérieure française est inscrite dans une réforme – en déroulement jusqu'à 2012 – qui sera pilotée par un holding regroupant les ressources de RFI, France 24 et TV5. Le récent rapport architecturant les décisions à prendre est le fruit d'une collaboration entre le Premier ministère et les ministères de la Communication et des Affaires étrangères. Au concret, le projet soumis à Sarkozy est de créer une nouvelle structure dénommée « France Monde ». L'une des originalités du dispositif est d'en confier la responsabilité à un tandem associant un entrepreneur du domaine et un journaliste chevronné. L'évolution en douceur ainsi esquissée veut éviter une fusion immédiate et précipitée des trois principales structures francophones au bénéfice de la mise en place d'une « plateforme » fédératrice actionnant de nouvelles missions d'offres de service, payantes ou gratuites aux télévisons et radios étrangères, notamment africaines. Cela concernera aussi des services en différé, ou à la demande, comme déjà commercialisés par les networks américains et aussi des sites communautaires, mettant en synergie télés, radios et Internet. Parallèlement, à France Monde est confié le soin, pour l'échéance 2010, de préparer des chaînes thématiques du groupe autour des spécialités information, jeunesse, art de vivre, ou de la musique francophone. Ce « bouquet sera alors le fer de lance de la commercialisation de toutes les entités de l'audiovisuel extérieur français sur Internet et les autres réseaux. De quoi faire de la France une puissance médiatique ». Pour les besoins de concrétisation des objectifs, l'Etat français pourrait être amené à revoir sa participation au sein du consortium transnational TV5 (Belgique, Canada, Suisse) ; de même que dans France 24, en composition avec l'entreprise privée TF1. Sur le plan management des ressources humaines le projet fixe aux employés l'objectif d'apprendre « à travailler en commun », et aux dirigeants d'harmoniser des statuts très différents selon les entreprises actuelles. Les concepteurs du rapport prévoient à France Monde de générer 40 millions d'euros de recettes publicitaires supplémentaires. La moitié récoltée sur Internet. Avec cette prévision le budget de l'audiovisuel extérieur grimperait de 360 millions d'euros par an à 400 millions. Parmi les réactions des partenaires français de la francophonie audiovisuelle figure, avec éclat, une tribune publiée par Le Monde et signée de la présidente de la Confédération suisse. Micheline Calmy-Rey s'insurge contre un nouveau dispositif qui imposerait « un carcan éditorial à TV5 ». Elle rejette catégoriquement toute idée de fusion de TV5 avec RFI et France 24. "Nous sommes, écrit-elle, interpellés car les regroupements imaginés par les autorités françaises inquiètent. Nous partageons les soucis émis ces dernières semaines en Belgique et au Canada. La Suisse tient à l'autonomie éditoriale de TV5 Monde. » L'une des considérations fortes de la refonte du système est liée au déclin des capacités de la francophonie audiovisuelle au Maghreb et au Moyen Orient, face aux autres acteurs du champ concurrentiel : américains mais aussi arabophones du Golfe. C'est l'une des raisons qui ont poussé les décideurs français à devancer de six mois le lancement de France 24. Avec ce mot de rhétorique propagandiste de son Président lors de sa tournée dans le monde arabe : « Traiter la langue arabe comme l'anglais ou le français signifie une forme de respect pour les gens qui habitent cette partie du monde. Un traitement de l'information totalement différent de celui du monde anglophone. »