Après avoir sillonné les galeries des plus grandes capitales mondiales, Fayçal Laïbi Sahi, natif d'El Basra en Irak, a fini par venir fouler de ses pieds, mais aussi de son pinceau, la Médina et ses ponts. Cet artiste-peintre a également pénétré l'âme et les venelles de la vieille ville de Constantine, et, avant elle, celle de Annaba. Ces haltes, sur une séquence antique de notre identité et de notre mémoire collective, vacillant entre mélancolie et rêve, lui auront permis de nous en restituer des parcelles importantes, bribes salutaires d'un passé qui demeure non inassumé, car inaudible et sourd. Et l'on aura ainsi eu à apprécier et à nous délecter des œuvres qui sont nées de cette aventure infiniment esthétique et hautement plastique dans un lieu dignement apprêté pour l'heureuse circonstance. Ainsi, le hall du prestigieux théâtre de Constantine aura accueilli, depuis jeudi passé et durant cinq jours, l'exposition d'une vingtaine de tableaux, tantôt impressionnistes et vivifiants, tantôt plus que réalistes et fort revigorants, en ce sens qu'ils mettent en lumière les zones d'ombre, qui dessinent et mentionnent les omissions traîtresses d'une mémoire aux contours, à ce jour vagues, brouillons et très mal esquissés. Cependant, en fin artiste, Fayçal Laïbi Sahi, bardé d'un diplôme d'études approfondies de la Sorbonne et de bien d'autres encore, mais aussi accompagné d'une femme admirable, musicologue et Bônoise de surcroît, s'est fait le complice d'une autre grande dame, qui s'échine, à travers sa galerie d'art Emeraude, à rendre à notre vie, toute la préciosité de ses ardentes couleurs, en nous prescrivant à chaque rencontre qu'elle organise, sans se décourager, une bonne dose de ce beau, baume de magnificence. La quintessence que dégage l'œuvre dédiée aux dédales et méandres du vieux Constantine signale, en réalité, une sensibilité certaine aux fulgurances d'une nitescence délicate à souhait, mais aussi d'une approche plastique qui tend à nous amener à pointer notre regard égaré sur le registre déconstruit pour l'occasion, de notre présent insaisissable et des non-dits de notre patrimoine originel. Présent qui demeure à nos yeux aussi fuyant qu'imperceptible et voilé, alors que sur les choses de notre passé, l'on reste impuissant et malhabile à bien regarder, l'on se fait le pied et l'œil, sinon que trop lourds pour, vers l'avenir, avancer. Dure réalité ramenée à notre souvenance par le voir et le saisir pertinents de cet illustre artiste, qui vit de sa peinture et qui d'elle, en l'aura compris, nous ravitaille et nous sustente à merci. L'artiste peintre Faïsel Laïbi Sahi a enseigné à l'Ecole des beaux-arts de Skikda entre 1988 et 1991, date à laquelle il s'installe à Londres, depuis, il est l'auteur de plusieurs articles de presse sur l'art, la littérature, la politique et l'esthétique ; il est également membre de l'Union internationale des journalistes et de la Ligue des intellectuels et artistes irakiens à l'étranger. Son passage salvateur à Constantine nous interpelle, tant il lui tient à cœur de nous inviter à ramasser les moindres lambeaux de notre histoire démantelée, de notre moi commun hypertrophié et son message ne peut que passer, si l'on veuille bien se prêter à sa peinture, l'ouïr et consentir à bien l'écouter.