A l'heure qu'il est, l'avion présidentiel américain Air Force one a fini la traversée de l'Atlantique pour rejoindre la région du Proche-Orient, où George W. Bush entame sa première visite en Israël et dans les Territoires palestiniens. Ce voyage comprend aussi le Koweït, Bahreïn, les Emirats Arabes unis, l'Arabie Saoudite et l'Egypte. George Bush a quitté dans la nuit le territoire américain, c'est-à-dire au moment où se tenaient les premières dans l'Etat du New Hampshire. Les seules informations étaient certainement les sondages révélant avec force à quel point son camp, les Républicains, était mal parti dans la course à sa succession. Comme cela est intimement lié à son voyage, il a dû prendre connaissance de la décision israélienne de lancer la construction de soixante nouveaux logements dans un quartier de colonisation israélien d'El Qods-Est. C'est plutôt mal commencé car les Israéliens n'ont rien fait pour faciliter le voyage présidentiel. Selon Haaretz, le nouveau projet pourrait empêcher l'établissement pour les Palestiniens d'un corridor reliant la Cisjordanie à l'Esplanade des Mosquées dans la vieille ville d'El Qods, dans le cadre de la création d'un futur Etat palestinien. Qu'attendre donc de ce voyage si Israël persiste dans sa politique du fait accompli, quand bien même on le dit lié par les engagements qu'il a contractés lors de la conférence d'Annapolis du 27 novembre dernier ? M. Bush se rend dans la région avec deux objectifs qui devraient continuer à dicter l'essentiel de son emploi du temps pour la dernière année de sa présidence : aider Israéliens et Palestiniens à conclure un accord de paix avant qu'il ne quitte la Maison-Blanche en janvier 2009 et rassurer ses alliés du Golfe que les Etats-Unis ne les laisseront pas seuls face à la « menace » iranienne et qu'ils n'emploieraient la force qu'en dernier recours. Le président peut considérer que son message sur le péril iranien a été conforté juste avant son départ, quand des vedettes de la marine iranienne ont menacé d'attaquer trois navires de guerre américains dans le détroit d'Ormuz, par lequel transite une part considérable du trafic pétrolier mondial. M. Bush commence par Israël et la Cisjordanie — une première depuis le début de sa présidence — un voyage sous très haute protection dans une région où la guerre en Irak et les politiques de son gouvernement ont suscité de forts sentiments antiaméricains. Il s'agit pour le président de prolonger la dynamique de la Conférence d'Annapolis. Israéliens et Palestiniens se sont engagés à relancer un processus enlisé et à rechercher avant fin 2008, un accord menant à la création d'un Etat palestinien coexistant avec Israël. Le scepticisme est largement répandu, tant les différends sont anciens et profonds. Le frein L'Autorité palestinienne exhorte M. Bush à faire pression sur Israël au cours de son voyage pour arrêter la colonisation dans les territoires, un contentieux majeur. M. Bush se veut optimiste sur les chances de succès : « Je crois que les étoiles sont favorablement alignées. » Et pourtant, si les Palestiniens exigent l'arrêt pur et simple de la colonisation, Israël a fait savoir qu'il entendait poursuivre la construction dans les colonies qu'il dit vouloir garder sous sa souveraineté, dans le cadre d'un accord de paix. « Il faudrait qu'à son arrivée dans la région, le président Bush parle clairement de la nécessité de lever les obstacles qui entravent les négociations, la colonisation étant le plus important d'entre eux », a affirmé le président palestinien M. Abbas le 2 janvier, lors d'une visite au Caire. « Il est impossible de mener des négociations tant que la colonisation se poursuit », a-t-il ajouté. « Nous attendons du président Bush qu'il amène Israël à geler la colonisation et qu'il insiste sur la nécessité de mettre fin à l'occupation israélienne pour favoriser la création de deux Etats (Israël et la Palestine) conformément à sa vision », a renchéri son porte-parole, Nabil Abou Roudeina. Les insistantes demandes palestiniennes pour une implication américaine accrue dans les négociations sur les questions-clefs, inquiètent peu Israël, dont le Premier ministre Ehud Olmert a vanté dans une interview publiée vendredi sa parfaite entente avec M. Bush. « Il ne fait pas une seule chose pour laquelle je ne serai d'accord. Il ne soutient aucune initiative à laquelle je sois opposé et ne dit rien qui puisse rendre la vie plus dure à Israël », a affirmé M. Olmert au Jérusalem Post. Il a ainsi estimé que les assurances fournies par lettre en 2004, par M. Bush sur la nécessité de reconnaître « la réalité démographique » en Cisjordanie, permettaient à Israël de garder les principaux blocs de colonies. Dans ce contexte, « il serait préférable de parvenir à un accord (de paix) avant que le président Bush n'ait achevé son mandat en janvier 2009 », a ajouté M. Olmert. Ce qui réduirait la portée de la visite présidentielle que certains présentent comme celle des adieux. Ou encore estiment les analystes, les voyages à l'étranger sont un moyen « d'attirer l'attention sur certains sujets » que le président Bush souhaite mettre en exergue avant la passation de ses pouvoirs, peut-être à un démocrate critique envers sa politique. Mais « le seul bilan qu'un président peut laisser est celui qu'il a réellement accompli lors de son mandat », souligne Andrew Cordesman, un analyste de politique étrangère au Center for strategic and international studies (CSIS), un institut privé de recherche de Washington. « Vous ne pouvez pas en tant que président léguer comme bilan, un programme pour votre successeur », ajoute-t-il. « Et à un an de la fin du mandat, votre bilan de président est ce que vous avez déjà fait, pas ce que vous souhaiteriez faire », poursuit Andrew Cordesman. Un regard plutôt sévère, mais cela pourrait expliquer toute l'amertume des Palestiniens, et en ce qui concerne Israël, la multiplication de ses actes d'hostilité, comme la poursuite du processus de colonisation.