L'appel est de Abdelhamid Temmar : « Les investisseurs peuvent se lancer dans l'aventure en Algérie. » Rires étouffés dans la salle de conférences de l'hôtel Sheraton, sur la côte ouest d'Alger, où se tient, depuis hier, le troisième forum des hommes d'affaires arabes organisé par la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (Caci) et le groupe libanais Al Iktissad oua Al Aâmal. C'est que le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements a dit « un gros » mot. « Moughamara » (aventure) en langue arabe a une charge négative. Au lieu d'inciter les opérateurs économiques à venir en Algérie, il leur a fait peur ! Mais il n'y a personne pour rappeler à Abdelhamid Temmar la nécessité de se mettre à apprendre la langue arabe. Mis à part Djamel Zeriguine, de l'Agence nationale du développement de l'investissement (Andi), aucun intervenant algérien ne semblait maîtriser la langue arabe. Le comble : Mahdjouba Bélaïfa de Sonatrach s'est même excusée de ne pouvoir s'exprimer en arabe et a pris la parole en anglais. Peut-on se permettre cette légèreté dans un forum d'une telle importance ? Abdelhamid Temmar, qui s'est abstenu de communiquer des données précises, a annoncé que les investissements ont doublé ces deux dernières années. Selon lui, des progrès ont été enregistrés dans la réforme des systèmes bancaire et foncier et dans l'assainissement du marché. Il n'a pas situé le niveau du « progrès ». Depuis 2005, la privatisation a, d'après lui, connu une évolution rapide avec l'ouverture du capital de 350 entreprises étatiques. Il a annoncé la privatisation, d'ici juin 2008, de 100 autres entreprises. « L'entreprise algérienne est désarmée. Il faut la mettre à niveau des évolutions de l'économie mondiale », a-t-il dit. Plus loin, il a affirmé que les investisseurs trouveront en Algérie « une main-d'œuvre qualifiée, des entreprises mises à niveau, une administration rénovée et des infrastructures développées ». Point de vue que ne semble pas partager Jassem El Menaï, directeur général du Fonds monétaire arabe (FMA), qui craint un probable blocage lié au fait que 2008 et 2009 soient des « années électorales » à cause de la future présidentielle. « Il est difficile de prendre des décisions économiques impopulaires en cette période », a-t-il prévenu. Alaa Al Afifi, de Citadel Capital, un fonds d'investissement égyptien, s'est plaint de la difficulté d'accès aux crédits en Algérie. « Pour nos projets, nous sommes obligés de demander des financements à la société mère au Caire ou aux banques européennes. Le système financier en Algérie doit évoluer pour accompagner les entreprises à s'installer en Algérie », a-t-il noté. A ses yeux, il faut une main-d'œuvre mieux formée et une administration outillée pour créer les conditions d'investissement. Citadel Capital, qui a choisi Alger pour ouvrir son premier bureau à l'étranger, possède à 35% la cimenterie de Zahana, a des parts dans une cimenterie à Djelfa et entend lancer un projet de production d'engrais. « Nous négocions la reprise d'un hôtel et nous avons des projets dans le domaine agricole », a indiqué Alaa Al Afifi. Pour Raouf Abouzaki, directeur général du groupe Al Iktissad oua Al Aâmal, la confiance sera renforcée par la transparence. Il a plaidé pour plus d'ouverture et pour « un investissement sécurisé ». Il a annoncé que son groupe va organiser d'autres forums du même genre aux Emirats, au Soudan, à Oman et en Jordanie. « Il faut renforcer le travail arabe commun pour une réelle intégration économique. Pour cela, il est impératif de sortir des visions nationales étriquées et de lever les obstacles devant l'investissement privé. Le défi est d'offrir des opportunités d'emploi aux jeunes. Le taux de chômage dans cette région dépasse les 30% », a relevé Adnane Kassar, président de l'Union des chambres de commerce, d'industrie et d'agriculture arabe. L'Algérie est, selon lui, un pays captivant des investisseurs et offre un éventail large d'opportunités. Il a cité l'exemple de l'installation à Alger de Fransabank qui relève d'un groupe financier dont Adnane Kassar est responsable. Il a profité pour lancer un appel aux fins de soutenir le Liban aux prises à une crise politique depuis plusieurs mois. Attirer les excédents financiers La holding saoudienne des matériaux de construction projette, selon Fayçal Oukaïl, de reconduire l'expérience de la ville égyptienne du 6 octobre en Algérie. « Nous avons plusieurs projets en Algérie dont celui du CPC qui sera pris en charge par le groupe financier Ben Laden », a-t-il précisé, suscitant quelques commentaires en coulisse, le nom Ben Laden étant lié à une mauvaise image, véhiculée depuis les attentats du 11 septembre 2001. Les Saoudiens n'ont pas confirmé leur participation au forum d'Alger et ne sont venus qu'à la dernière minute sans s'annoncer. La Mauritanie, la Somalie et le Soudan n'ont pas été invités à cette rencontre. « Nous voulions attirer ceux qui ont des excédents financiers », a expliqué Brahim Bendjaber, président de la Caci. « Nous avons demandé aux opérateurs arabes de commencer à réaliser les projets ficelés. Il y a un excellent climat d'investissement en Algérie », a déclaré à la presse, en marge des travaux, Abdelaziz Belkhadem, chef du gouvernement. Selon Brahim Bendjaber, sur les 39 milliards de dollars d'intention d'investissement (dont les fameux 25 milliards de dollars du groupe émirati Immar), seuls 9,5 milliards de dollars ont été réalisés à la date de fin juin 2007. D'après lui, le groupe Immar va se lancer dans ses projets à partir de mars 2008. D'ailleurs, les Emiratis sont ceux qui sont le plus engagés dans des opérations comme celui d'un élevage de 10 000 vaches laitières et d'une usine de production d'échangeurs thermiques et d'appareils de dessalement d'eau de mer. « Il n'existe pas de différence entre un investisseur arabe ou un autre qui vient d'Europe ou d'Amérique. A la Caci, on traite tout le monde de la même manière », a-t-il rassuré, se plaignant des « moyens limités » de la Caci dont le budget avoisine les 140 millions de dinars. Selon lui, l'agroalimentaire, le tourisme, la pétrochimie, les mines, l'industrie pharmaceutique et les services sont des domaines où les opportunités d'investissement sont grandes.