Ahmed Ouyahia a parlé enfin. L'homme que le microcosme politico-médiatique algérois considère, à tort ou à raison, comme le porte-voix des décideurs, militaires surtout, a donné, ce jeudi, le la. Il a ouvert la campagne électorale pour la présidentielle de 2009 en la fermant par un soutien clair, net et précis au virtuel candidat Bouteflika… « Nous soutenons la révision de la Constitution et la réélection du président Bouteflika », a déclaré, jeudi, le secrétaire général du RND, lors de l'installation à Alger de la commission nationale de préparation du 3e congrès ordinaire de son parti. Jamais Ahmed Ouyahia n'a été aussi tranchant, lui qui affectionne particulièrement l'équivoque et cultive le suspense dans sa posture de celui à qui échoit à chaque fois la mission de rendre l'oracle au « cénacle » politique algérien. Pour certains, le soutien du chef du RND à Bouteflika a valeur de sentence. Faut-il pour autant prendre pour argent comptant ces nouvelles certitudes qu'il a béatement annoncées aux journalistes ? Connu pour être un converti de la dernière minute, le patron du RND aura cette fois étonné son monde par son allégeance précoce au desiderata de Bouteflika. Son engagement franc tranche assurément avec sa réserve habituelle, y compris quand ses partenaires de l'alliance présidentielle, le FLN notamment, eurent entamé le refrain bien connu de la « Ouhda Thalitha ». A présent, l'opinion sait que quelque chose est définitivement tranché en haut lieu de la décision. Et ce n'est pas forcément un feu vert à Bouteflika de succéder à lui-même, bien que Ouyahia en donne l'apparence aujourd'hui. Le fait est qu'il prend le soin de préciser que Bouteflika ne fera « aucune annonce avant la fin de l'année 2008 ». Une telle assurance dans le propos suppose un deal ou encore un impondérable qui ferait éventuellement bousculer la feuille de route. Pourquoi donc Bouteflika ne se prononcerait pas jusqu'à la veille d'avril 2009 alors que tous les partis à sa botte et le bataillon d'associations et de comités de soutien amusent déjà la galerie et crèvent l'écran de la télévision ? Ce serait, en effet, entretenir un faux suspense autour d'une candidature pour laquelle la machine politico-administrative s'est déjà mise en branle. La direction du vent L'on se rappelle que Ouyahia avait fustigé Belkhadem d'avoir lancé la campagne pour le troisième mandat avant l'heure. Pis encore, il avait déclaré que tant que le Président ne s'est pas exprimé sur la révision de la Constitution, son parti n'allait pas s'impliquer. Et voilà qu'il se fait fort de lire l'ultime « motion » à 14 mois de la présidentielle, alors que Bouteflika reste énigmatiquement aphone… Qu'est-ce qui a donc changé dans la tête de Ouyahia qui clamait, il y a moins de trois mois, que « des lobbies mettent le feu au pays » et qui dénonçait « la république des salons » ? Le changement de cap dans son discours confirme que Ahmed Ouyahia adopte des convictions qu'il peut, selon les rabibochages internes et les nouvelles projections du régime. A-t-il négocié la chefferie du gouvernement ou un poste de Premier ministre dans le cadre d'une nouvelle Constitution ? C'est possible, mais le concerné n'en dira pas un mot, bien sûr. Ce qui est certain, c'est que le chef du RND défendra la candidature et sans doute le bilan de Bouteflika de la même manière et aussi crânement qu'il a vilipendé ses partenaires de l'alliance quand ceux-ci discouraient sur la révision de la Constitution. L'homme est comme ça, politiquement inclassable. C'est un peu un partage des rôles dans lequel « Si Ahmed » a toujours le dernier mot pour « crédibiliser » une course gagnée d'avance au bénéfice de tous. Il est, d'ailleurs, risible de constater cette vraie-fausse fronde au MSP, relayée par la presse, sur une prétendue lutte interne sur la nécessité ou pas de soutenir Bouteflika. Et à l'arrivée, les partisans de cette option vont évidemment gagner la bataille si tant est qu'on puisse parler de bataille.La preuve ? On annonce déjà la convocation du sommet de l'alliance présidentielle pour le 30 de ce mois afin d'avaliser le choix du triumvirat Belkhadem-Ouyahia-Soltani. Cet attelage, qui cristallise le mieux le déclin de la pratique politique à l'algérienne, est appelé à lire officiellement le verdict des décideurs devant les caméras de la télévision, en attendant que Sa Majesté Bouteflika condescende à donner suite à ses plates prières. Ce procédé typiquement tiers-mondiste est destiné à vendre un choix, le seul, au peuple, quitte à tordre le cou à la Constitution pour satisfaire un dessein personnel empaqueté sous forme d'une clarification de la nature du régime algérien. Est-ce pour autant que le jeu de la présidentielle 2009 est irrémédiablement fermé ? Rien n'est moins sûr. Les protestations sur le terrain social, la grève des lycéens, l'érosion incroyable du pouvoir d'achat des citoyens, la panne économique et par-dessus tout l'impasse sécuritaire sont autant d'indicateurs qui ne justifient pas une rallonge de mandat à cette équipe. A moins que les délices du pouvoir aient pris le dessus sur l'avenir d'un peuple, auquel cas Bouteflika est sans doute le néo-candidat du consensus.