Le débat sur la révision constitutionnelle aurait pu être un grand moment de démocratie participative s'il n'était pas accaparé par quelques cercles politiques et associatifs convertis à la politique et emmenés par les partis de l'Alliance présidentielle. Le FLN et le RND se sont déjà publiquement positionnés pour la révision ; le MSP, pris de vitesse par l'effet d'annonce du parti de Ouyahia, ne devrait pas faire durer, à son tour, longtemps encore le (faux) suspense pour s'aligner sur ses partenaires de l'alliance. Ce qui donne à la démarche un caractère suspicieux et politiquement incorrect, c'est cette stratégie qui consiste à vendre un produit deux en un ; autrement dit réviser la Constitution pour déverrouiller la durée du mandat présidentiel en vue de permettre au président Bouteflika de briguer un troisième mandat. Il est clair que constitutionnellement, le président de la République a les prérogatives pour réviser la Constitution soit par la voie référendaire soit par le truchement du Parlement. Il n'y a donc rien d'anticonstitutionnel dans la décision de Bouteflika de réviser certaines dispositions de la Constitution ; une décision qu'il n'a pas encore assumée publiquement laissant le soin à d'autres, aux partis de l'Alliance présidentielle, d'en faire état et de mobiliser l'électorat pour ce faire. Les objections qui se sont fait jour dans la société, très discrètement, pour des raisons que l'on devine, depuis que la confirmation du projet de révision constitutionnelle et le principe d'un troisième mandat de Bouteflika ont revêtu un caractère quasi-officiel ont tourné plutôt sur des questions de mœurs politiques, d'éthique et d'alternance au pouvoir auxquelles un tel projet ne peut que tourner le dos. Le président Bouteflika aurait pu sortir grandi de ce chantier qu'il s'apprête à lancer s'il avait porté la discussion sur ce dossier sur la place publique en associant la classe politique sans exclusive, le mouvement associatif, les citoyens, les constitutionnalistes qui ont certainement leur mot à dire sur la question, tout cela dans un vaste débat national, transparent où les diverses opinions s'exprimeront en toute liberté. Le fait de réduire la volonté populaire à un bulletin de vote et de se suffire de la légitimité populaire acquise, certes par la voie des urnes qui ont toujours été au demeurant sujettes à caution depuis que le vote existe chez nous, sans associer les citoyens à la construction de leur destin, n'est certainement pas le meilleur chemin qui mène vers la démocratie. En démocratie, il existe, en dehors du Parlement et des institutions officielles, des forces de propositions utiles et indispensables pour un fonctionnement harmonieux et fécond de la société qu'un pouvoir se réclamant de la légitimité populaire ne pourrait pas décemment ignorer. Au lieu de cela on assiste à un débat intra-muros limité à des cercles restreints qui se recrutent parmi la clientèle du pouvoir. C'est ce qui explique sans doute le peu d'enthousiasme que soulève ce projet au sein de l'opinion.