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Un même départ, deux destinées
La transition en Algérie face à l'expérience russe
Publié dans El Watan le 31 - 01 - 2008

Sous le thème « Problématique de la transition en Algérie et en Russie », un colloque international a ouvert ses portes hier à la Bibliothèque nationale du Hamma, invitant à un exercice de comparaison entre l'expérience vécue par les deux pays en vue de sortir du système « socialo-dirigiste ».
Si des similitudes sont identifiables dans l'approche entreprise pour le changement, il reste que l'application du vœu de changement a eu des effets divergents. De l'aveu des spécialistes invités de l'Association pour le développement de la recherche en sciences sociales, Aadress, la Russie est en phase de perfectionner son système démocratique et tend à se replacer comme membre influent sur la scène internationale, alors que l'Algérie continue à faire durer une transition improductive. Evoquant l'aspect économique, le professeur Abdelmadjid Bouzidi explique que durant les vingt années qu'a duré la transition depuis 1989, aucune phase n'est arrivée à faire de l'Algérie un pays producteur de richesses. L'économiste distingue trois principales phases de ce mode transitoire, qui commence en 1989 jusqu'à 1994 pour la première période où « les réformateurs du FLN ont opté pour l'Etat providence distributeur des richesses ». La seconde période de 1994 à 1998 a quant à elle été caractérisée par l'arrivée du FMI et le rééchelonnement de la dette, « il s'agit de la gestion de la demande, accompagnée des premières opérations de privatisation ». Et enfin la troisième phase située entre 1999 jusqu'à nos jours, qui à son tour est divisée en deux phases, celle de l'ultralibéralisme de 1999 à 2001, suivie après du tout-Etat, « ce revirement du libéralisme à l'étatisme est aidé par la flambée en 2001 des prix du baril, les libéraux sont devenus des keynésiens, d'où les deux plans de relance économique avec un investissement étatique prononcé. Un Etat se disant libéral se trouve basé sur une stratégie de la demande alors qu'un véritable Etat libéral gère l'offre », explique Bouzidi qui s'interroge sur un tel revirement. « Est-ce le reflet d'une bagarre au sérail ? », dira-t-il en qualifiant la situation actuelle d'immobilisme dont le métronome est la ressource pétrolière. « Quand le prix du baril est élevé, l'Etat prend tout en main, et lorsqu'il est au plus bas, il s'en lave les mains ». Une attitude rentière qui n'est pas près de toucher à sa fin. « Ce qui est étonnant, c'est qu'on se targue d'être des libéraux en économie mais surtout pas en politique. Il faut savoir que le libéralisme doit s'accompagner d'un libéralisme politique qui est traduit par la démocratie », indique le professeur Bouzidi. Ce dernier note que l'Algérie est engagée dans une transition qui traîne avec une crise politique latente, sans même jouer le rôle de contrainte d'efficacité poussant à un changement. « C'est une situation atypique. Il n'y a qu'à voir comment certains appellent à un troisième mandat alors que d'autres disent qu'il faut attendre la révision de la Constitution. Existe-t-il réellement une volonté de tout mettre sur la table ? Certains se demandent s'il faut la démocratie d'abord et après le développement ou le contraire. Une chose est sûre, la démocratie est une condition du développement. La thèse en marche actuellement en Algérie est : nous nous développons et le reste viendra du ciel. » A Rachid Tlemçani de rétorquer : « Il n'existe pas de transition en Algérie puisqu'il s'agit du même système rentier en place. » Et à Bouzidi d'insister : « La transition est un combat entre les tenants de l'ancien système et ceux qui veulent le nouveau système. Si nous connaissons l'ancien, nous ne connaissons pas le nouveau » et d'ajouter : « On sait ce qu'on quitte et on ne sait pas où on va, c'est ce qui nous fait traîner en longueur. » L'économiste de l'université de Moscou, Nicolaï Karpous, dira pour sa part que l'économie et la population russes ont « survécu au cours des deux décennies passées au terrible choc de transformation de l'ordre social ». Une chose est sûre, c'est qu'à la différence de l'Algérie, la Russie a misé sur l'apport des élites dans le processus de développement. L'aspect politique de la transition a mis à nu une réalité algérienne marquée par des contraintes qui vont à l'encontre d'une réelle volonté de changement. « On demande à un Etat essoufflé d'être le moteur du processus de transition dont on ignore l'aboutissement. Alors que l'Etat est contesté aussi bien par le haut, sue le plan externe, que par le bas, sur le plan interne, du fait de l'échec des intégrations », explique Walid Laagoune, juriste à l'université d'Alger, en notant que le système rentier développe une logique instrumentale du pouvoir et non pas institutionnelle. Le même conférencier estime que l'Algérie a opéré des transitions normatives et non institutionnelles. « Il suffit d'observer que l'Algérie est à sa sixième Constitution dont aucune n'a été porteuse de changement, elles ont consacré l'aboutissement d'un processus déjà engagé », dira M. Laagoune. Ce dernier précise qu'un régime constitutionnaliste repose sur un consensus entre l'ensemble des acteurs politiques, « nous nous trouvons dans un tout autre schéma, celui du consensus politique mais pas constitutionnel, nous rendons donc le texte inopérant à travers l'intrusion du politique dans le juridique comme moyen de perturbation ». Walid Laagoune considère que nous sommes dans une phase « préconstitutionnelle » tant qu'il n'y a pas d'adhésion entre l'Etat et la société sur les principes de la démocratie moderne. Pour Nacer Djabi, la « sectorialité » des élites politiques et culturelles a été un facteur de blocage à la transition : « Il y a eu une différenciation linguistique et culturelle des élites barricadées chacune dans des institutions, ce qui a donné lieu à une guerre interne au pouvoir. »

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