La question peut paraître prématurée mais elle vaut d'être posée : si dans le sillage de la révision constitutionnelle le président Bouteflika décidera de briguer un troisième mandat pourrait-on imaginer d'autres candidatures ? Le principe de l'élection pluraliste ne sera-t-il pas compromis par une candidature qui risque de dissuader tous les candidats potentiels qui ne tiendraient pas à jouer le rôle de faire-valoir et d'alibi face à une candidature adoubée par le pouvoir ? L'ancien chef du gouvernement Mouloud Hamrouche avait eu la formule juste et le don de la prémonition en déclarant lors de l'élection présidentielle de 1995 que « je ne serai jamais candidat contre le candidat de l'armée ». L'avenir lui avait bien sûr donné raison. Il avait fait une autre tentative lors de l'élection présidentielle de 1999 en présentant sa candidature pensant que le scrutin était libre et ouvert avant de se retirer dans le dernier quart d'heure à la suite d'une décision collective des 5 candidats en lice pour ne laisser dans la course que le candidat Bouteflika. Lors de l'élection présidentielle d'avril 2004, Benflis qui s'était présenté face à Bouteflika a sombré corps et âme dans le sillage de ce scrutin en se faisant littéralement laminer et en disparaissant physiquement et politiquement de la scène politique par la suite. L'erreur de Benflis aura été d'avoir naïvement pensé que le système s'était amendé et que le pouvoir n'est pas un bloc monolithique. Autrement dit que des forces démocratiques nouvelles et novatrices au sein du pouvoir largement relayées dans la société, poussent au changement du système de l'intérieur et portent sa candidature. Dans de telles conditions politiques peu propices à une saine compétition électorale, il sera difficile au pouvoir de convaincre des candidats crédibles de se lancer dans la course électorale n'ayant aucune garantie politique nouvelle à offrir par rapport aux dernières consultations électorales dénoncées par l'opposition qui avait crié à la fraude. Il restera toujours l'alternative qui n'est pas nouvelle de meubler la scène électorale par des candidatures-maison prêtes à l'emploi, puisées dans les petites formations politiques dont les chefs ne rechignent jamais à se prêter volontiers à ce jeu de quilles. Qui pourra résister au rouleau compresseur qui est déjà en marche ? En faisant adopter par un vote plébiscite du Parlement le projet de révision constitutionnelle dont l'objectif premier sinon unique vise à déplafonner la question des mandats présidentiels l'option de la réélection de Bouteflika pour un troisième mandat présentée par les cercles du pouvoir et leurs relais comme un choix stratégique et « une exigence nationale » ne fait pas l'ombre d'un doute. On pourra toujours deviser sur la crédibilité du scrutin et la légitimité du candidat qui en sortira ! Mais la respectabilité des Etats tient-elle encore à ce genre de gages complètement désuets dans les relations internationales d'aujourd'hui basées sur la logique du marché et les intérêts égoïstes ?