Un Président au-dessus de la mêlée et des joutes politiques qui animent la scène nationale : c'est l'image que tente de renvoyer le président Bouteflika en refusant de se prononcer sur son avenir politique. Le président Bouteflika a-t-il tout dit ou rien dit de nouveau dans l'entretien accordé au journal qatari Al Arab sur la question de la révision constitutionnelle et la perspective d'un troisième mandat ; deux dossiers qui mobilisent depuis plusieurs mois les différents soutiens de Bouteflika dans la classe politique ainsi que dans les organisations sociales proches du pouvoir ? A mesure que l'échéance électorale approche, l'impatience ne fait que grandir dans ces milieux qui occupent avec grand bruit l'espace médiatique pour demander au chef de l'Etat de briguer un troisième mandat. Sans trancher clairement ce débat en affichant ses intentions aussi bien sur le chantier constitutionnel que sur ses ambitions politiques après 2009, Bouteflika a néanmoins ouvert dans les déclarations faites au journal qatari quelques pistes en fixant le cap politique pour les mois à venir. Cela tout en se gardant, à une année de l'échéance électorale, de s'impliquer directement dans la bataille politique et électorale qui s'annonce. Un président au-dessus de la mêlée et des joutes politiques qui animent la scène nationale : c'est l'image que tente de renvoyer le président Bouteflika en refusant, à ce stade du débat sur les prochaines élections présidentielles, de se prononcer sur son avenir politique. Sur la révision constitutionnelle la question qui taraude les esprits est de savoir, non plus si le projet est à l'ordre du jour du calendrier politique de Bouteflika — la cause semble aujourd'hui entendue — mais quels sont les changements qui seront apportés à la Constitution en vigueur. De la réponse à cette question découlera naturellement tout le reste. L'équation de la candidature ou non de Bouteflika pour un nouveau mandat présidentiel dépendra de la manière dont sera tranché le débat sur la disposition ayant trait à la durée du mandat présidentiel. L'aménagement de cette disposition dans le sens de l'ouverture et de la suppression de la durée du mandat présidentiel constituera une indication de nature à permettre de voir un peu plus clair les soubassements politiques et les non-dits du projet de révision constitutionnelle. Bouteflika, seul maître du jeu Pour toute confession, Bouteflika souligne dans l'entretien au journal qatari que toute Constitution est « perfectible » et doit évoluer avec « les difficultés et les besoins de la société ». Une évidence qui ne nous éclaire pas davantage sur ce qui, dans l'actuelle Constitution, déplairait au président de la République. La seule nouveauté qui pourrait être relevée dans la déclaration de Bouteflika c'est qu'à mots couverts, il laisse entendre que la loi fondamentale est dépassée et, de ce fait, prend acte de manière implicite de la nécessité de sa révision. Cette prise de position n'est pas nouvelle pour Bouteflika qui n'a pas ménagé ses critiques sur la Constitution actuelle au lendemain même de son investiture lors de son premier mandat. Mais le fait de réaffirmer cette exigence aujourd'hui, à quelques encablures de l'échéance électorale, signifie qu'il pense fortement à cette option. Les mots utilisés pour le dire sont bien choisis et soupesés. La révision de la Constitution est une nécessité du développement du pays et une exigence qui émane de la société, confie-t-il au journaliste qatari. La réponse, on l'aura compris, est adressée aux milieux qui voient dans le projet de révision constitutionnelle une manipulation politique grossière destinée à servir des desseins personnels en reconduisant Bouteflika à la tête de l'Etat. Par ailleurs, Bouteflika, qui prend toutes les précautions pour ne rien dévoiler de ses desseins politiques, a tenu dans cet entretien à rassurer qu'il veillera à ce que la prochaine élection se tienne dans les délais et de manière transparente et démocratique. Bouteflika cherche-t-il à donner des gages à la classe politique et aux candidats potentiels à l'élection présidentielle que sa candidature pourrait amener à ne pas s'engager dans la course parce que considérant que les jeux seraient déjà faits à l'avance s'il postulait pour un troisième mandat ? De manière sibylline, Bouteflika laisse entendre qu'il n'est pas près de rentrer à la maison. Alors que les observateurs attendaient un peu plus de lisibilité dans la feuille de route politique de Bouteflika pour les mois à venir, en ouvrant un tant soi peu le jeu politique, le chef de l'Etat refuse d'abattre ses cartes et garde entre ses mains tous ses atouts pour rester maître du jeu et du calendrier politique pour les prochains mois.