Les Franco-Algériens ont été sollicités cette semaine par les télés françaises. Fadila Amara, Azouz Begag, Faudel ont ainsi fait le tour de différents plateaux pour parler d'une actualité dans laquelle ils sont directement impliqués. La personnalité politique la plus demandée aura été sans conteste la secrétaire d'Etat à la ville au moment où le “Plan Banlieues” adopté par le gouvernement et proposé par le président Sarkozy ne fait pas l'unanimité et se trouve même être sévèrement critiqué par le mouvement associatif et la gauche pour son inconsistance, voire l'incapacité qu'il recèle à pouvoir désenclaver ces zones périphériques qui connaissent des taux alarmant d'insécurité et de chômage. C'est un peu la montagne qui a accouché d'une souris selon les spécialistes qui craignent que ce nouveau flop soit encore préjudiciable à l'image du président Sarkozy, déjà en chute libre dans les sondages, à la veille des municipales. Il faut dire que dans les banlieues parisiennes, véritables no man's land, l'espoir d'une vie décente a depuis longtemps perdu son sens. C'est là qu'on trouve les plus grosses concentrations de populations immigrées parmi lesquelles celle des Algériens qui en sont à leur troisième génération ayant aujourd'hui, pour beaucoup, statut de binational. Etant d'origine algérienne et issue de ces quartiers qui posent problème, Fadila Amara avait la périlleuse mission de jouer sur le fil, à la manière d'un équilibriste, entre sa propre vision sur ces territoires bannis qu'elle connaît bien et le respect du projet gouvernemental pris en charge personnellement par le président de la République dont elle savait pourtant qu'il n'allait pas soulever l'enthousiasme général. On l'attendait au tournant connaissant ses positions qui restent malgré tout “de gauche” et son franc-parler, notamment depuis qu'elle avait heurté frontalement Brice Hortefeux, qualifiant carrément de raciste l'utilisation de l'ADN dans la conduite de sa politique d'immigration, on espérait secrètement une étincelle pour alimenter la polémique, mais dans l'émission grand public de France 5 Ripostes, la ministre des Banlieues n'a visiblement pas cédé à la tentation. Sans avoir le profil bas, elle a préféré faire de la politique en se montrant éclectique sur les côtés positifs du plan en question, allant jusqu'à plaider pour une culture du résultat dans les quartiers. Au passage, Fadila Amara a poussé le bouchon un peu loin en déclarant que “Sarkozy a un fonctionnement, dans la manière d'être, qui ressemble étrangement aux garçons des cités...”, oubliant que ce dernier avait traité ces mêmes garçons de racaille. Cela ne ressemblait pas au tempérament de l'ex-présidente de l'association “ni putes-ni soumises”qui a dû se faire hara-kiri par obligation de réserve. L'avenir nous dira si ce énième plan réussira là où tous les précédents (et ils sont nombreux) à l'actif des gouvernements qui se sont succédé pour venir au secours des banlieues, ont lamentablement échoué. Une chose est sûre : dans ces quartiers marginalisés, où la politique du tout répressif s'annonce avec le déploiement de 4000 policiers supplémentaires, les jeunes ne se font aucune illusion sur leur avenir. Les cités maudites ne sont en réalité qu'un enjeu électoral qui a drôlement mis mal à l'aise Fadila Amara. A son opposé, Azouz Begag se sent de plus en plus libre, de plus en plus indépendant depuis qu'il a quitté un gouvernement dans lequel on lui faisait sentir ouvertement qu'il n'avait plus sa place. Peut-être parce qu'il était d'origine immigrée, pour sa liberté de ton sûrement. A la télé, en tout cas, il ne s'embarrasse d'aucun scrupule politicien pour exprimer ses sentiments et ses idées contre ceux qui ne respectent pas les valeurs et les principes d'égalité qui sont selon lui l'essence même de la République. Begag est entré en guerre contre le puissant clan Sarkozy juste pour défendre sa dignité. Et quand il parle de dignité, de droit à la considération, il fait toujours référence aux populations immigrées que la France a du mal à intégrer totalement. Begag parle manifestement avec son coeur d'Algérien qui ne peut rester indifférent devant les injustices, les humiliations. Ecrivain de talent, il a pour lui cette force de pouvoir se mettre en évidence pour dénoncer les atteintes à la dignité humaine de quelque nature qu'elles soient. Les grandes chaînes l'ont invité pour parler de son dernier livre “La guerre des moutons” qui constitue à ses yeux le second tome de son expérience ministérielle. Déjà dans “Le mouton dans la baignoire”, Begag n'a pas été tendre avec Sarko et ses attaques répétées en direction de l'immigration. Cette nouvelle publication est une suite logique de ses idées qui ont soulevé pas mal de remous. La preuve, au Modem où il a voulu poursuivre sa carrière politique pour contrer le sarkozysme, on le considère comme un trublion. A Lyon, sa candidature pour les municipales n'a pas eu le soutien de Bayrou, c'est dire... Le chanteur Faudel, pour sa part, est revenu sous les projecteurs de la télé après une longue éclipse, mais en laissant son sourire derrière lui. Lui aussi vient de sortir un livre autobiographique “Faudel, itinéraire d'un enfant de cité” dans lequel il raconte sa déprime et sa chute en enfer depuis qu'il s'est rangé du côté de Sarkozy (décidément, il est partout le président !), qu'il s'est, lui enfant de banlieue, impliqué dans la campagne électorale qui a mené son ami à la tête de l'Etat, avec à la clé une chanson à succès “Mon Pays”. Faudel nous apprend qu'il avait tenté le suicide parce que la pression sur lui était devenue insupportable. Pression familiale, mais aussi de son milieu naturel qui n'avait pas accepté de voir un transfuge de la cité passer dans l'autre camp. Coincé entre deux rives, l'Algérie et la France, le chanteur raï a parlé vrai dans l'émission animée par Laurent Ruquier. La politique lui a finalement joué un mauvais tour, mais aura-t-il la force d'un Begag pour repartir du bon pied ?