Parmi les constructions et autres sites qui identifient la ville de Béjaïa, l'imposante statue du soldat inconnu, le doigt pointé en direction de l'Hexagone et que l'on dit chassant l'ennemi, érigée en contrebas du centre de transfusion sanguine à El Khemis, sur le boulevard Benboulaïd vers la gare ferroviaire, est une attraction pour beaucoup de visiteurs de la ville de Yemma Gouraya. On s'y repose mais surtout on se plaît à se prendre souvent en photos, le pied nonchalamment posé sur une surélévation de briques usées. Le petit rectangle, à qui l'on ne prête pas attention, n'est en fait qu'une tombe à l'état d'abandon que beaucoup de pas insoucieux ignorent jusqu'à l'existence et que des enfants foulent en tapant dans un ballon. Le soldat inconnu à qui l'on a dédié cette tombe autant que la statue qui l'abrite a pourtant une identité. Il s'agit du moudjahed Aïssaoui Abdelkader à qui l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) et les siens viennent de rendre hommage en restaurant sa tombe et réhabilitant les lieux à l'occasion de la Journée nationale du chahid qui coïncide avec le 18 février de chaque année. Un programme de commémoration avec exposition et prises de parole sur les lieux a accompagné cette occasion. Né en 1940 au village Attala, dans la commune de Toudja, le chahid Aïssaoui Abdelkader a servi la cause de la libération nationale à la fleur de l'âge. Moussabel à l'âge de 17 ans, il intégra les rangs d'un groupe de fidayine de l'ALN dans la région de Béjaïa. À son actif, se souviennent encore ses compagnons de lutte, 17 attentats contre les forces coloniales. Il tomba au champ d'honneur à l'âge de 20 ans, en 1960, au pied de Yemma Gouraya où il a été enterré jusqu'à 1988 avant que sa tombe ne soit transférée vers son lieu actuel, la place du Martyr à El Khemis, selon M. Mouloud Ouerdani, chargé de l'organique à l'ONM de Béjaïa. « Ces aménagements sont nécessaires pour que soit respectée la mémoire du défunt », nous dit M. Ouerdani. « Son combat qui était inconditionnel et désintéressé n'a pas été sans conséquences sur les membres de sa famille », témoignent ses parents qui citent deux de ses frères dont l'un « a été assassiné en France et jeté dans la Meuse à Fumay dans la région des Ardennes et l'autre, du fait des tortures qu'il a subies pendant la Révolution a perdu la raison et vit actuellement à Attala ».