Le malaise dans le monde du travail gagne des catégories professionnelles insoupçonnables, eu égard à leurs statuts dans la société qui auraient pu leur conférer une bien meilleure posture. Alors que les fonctionnaires de toutes les administrations observent aujourd'hui leur deuxième jour de grève, les magistrats de la Cour des comptes (CC) tiennent un conclave ce matin à l'hôtel Essafir (ex-Aletti) pour, sinon solder, du moins assainir leurs comptes avec le gouvernement. Dans un communiqué rendu public hier, le Syndicat national des magistrats de la Cour des comptes (SNMCC) informe l'opinion publique qu'il discutera aujourd'hui les problèmes « professionnels, notamment la question salariale » des magistrats de la Cour des comptes. Le SNMCC constate, en effet, que la rémunération servie aux magistrats de la cour est restée « inchangée » depuis 1995. Ce qui constitue, d'après lui, « un facteur grave de dysfonctionnement de l'institution… et de l'accomplissement efficace de sa mission constitutionnelle ». Le syndicat relève que les magistrats de la Cour des comptes n'ont pas bénéficié des mesures de revalorisation des traitements et des indemnités prises en octobre 2002, comme leurs collègues de l'ordre judiciaire et autres cadres de l'Etat. Le syndicat s'inquiète de ce que les magistrats de la CC soient tenus à la marge des nouvelles revalorisations annoncées dans le sillage de la confection des statuts particuliers de la Fonction publique. C'est pourquoi le SNMCC crie sa « profonde injustice » face à la différenciation notable dans le régime de rémunération, « source de motivation ». Les représentants des magistrats de la Cour des comptes sont convaincus que le maintien de cette « situation défavorable fait perdre à l'institution toute attractivité nécessaire au renouvellement des compétences et menace sa pérennité ». Et c'est apparemment ce qui est recherché quand on sait l'importance stratégique d'une telle institution secouée cycliquement par des mouvements sociaux de son personnel, dont le statut est largement en deçà du pouvoir — réel ou supposé — de la Cour des comptes. Cette institution supérieure de contrôle des finances publiques est habilitée, en effet, à engager la responsabilité de tout gestionnaire ou agent des institutions, établissements ou organismes soumis à son contrôle, responsable de cette infraction. La Cour des comptes intervient également lorsqu'une « irrégularité ou faute constitue une violation caractérisée des règles de discipline budgétaire et financière, et occasionne par-là même un préjudice au Trésor public ou à un organisme public » conformément à ses statuts. Elle constitue pour ainsi dire le dernier filtre de l'argent public dépensé via sa mission de vérification de l'exactitude matérielle des opérations qui y sont décrites, ainsi que leur conformité avec les dispositions législatives et réglementaires. Il est, tous comptes faits, aisé de deviner le moral de ces magistrats face au gaspillage inconsidéré des deniers publics alors qu'eux-mêmes s'estiment lésés dans leurs fiches de paie.