Tout a été dit sur l'élection présidentielle en Russie aujourd'hui, sauf qu'en conclusion, il ne s'agit plus d'une élection, celle-ci supposant un choix, voire une compétition entre candidats. Mais les Russes, estiment les analystes, n'ont rien eu de tout cela. C'est donc une victoire annoncée et même la ratification d'un choix fait par le président sortant. Vladimir Poutine, qui vient de boucler ses deux mandats comme le lui permet la Constitution de son pays, aura ainsi décidé de rester au pouvoir et même, selon des observateurs, de le contrôler. C'est lui qui a donné sa préférence à Dmitri Medvedev, ce qui veut dire une élection qui est acquise à l'avance. Mais à l'inverse estiment ces mêmes analystes, les électeurs russes le lui rendent bien pour de nombreuses raisons liées au bilan de Poutine, qui tranche avec celui de son prédécesseur Boris Eltsine. Emergence de la classe moyenne et retour de la Russie sur la scène internationale. Ce n'est pas peu pour des millions de Russes à la fois nostalgiques mais devenus pauvres. Poutine a su s'imposer sur l'arène internationale, nationaliser les ressources en gaz du pays, attirer les investissements et créer de la richesse et de l'emploi. Les électeurs ont pour la première fois depuis la chute de l'URSS le sentiment qu'« on a décidé à leur place » et « ne croient pas le pouvoir », estime Eléna Chestopal, spécialiste de psychologie politique à l'université Lomonossov. « Le pouvoir a besoin d'une nouvelle équipe capable de travailler dans un système pluraliste. Une révolution de cadres est inévitable », souligne Mme Chestopal dans une récente interview au quotidien Kommersant. C'est pourquoi, les observateurs seront davantage attentifs à la participation ? Et en l'absence de véritable suspense électoral, à en croire les sondages, les analystes se focalisent depuis un certain temps déjà sur l'après-élection et sa principale inconnue, celle de la viabilité du « tandem » Medvedev-Poutine. Le Président sortant s'est en effet engagé à occuper la fonction guère prestigieuse en Russie, celle de Premier ministre. Même s'il assure qu'il sera à ce poste « l'exécutif suprême », de quoi brouiller un peu plus les pistes et laisser sceptiques bien d'analystes. Un tel duo « n'a pas d'avenir », « il faut qu'il y ait un seul chef » dans le système institutionnel actuel, explique ainsi Alexandre Konovalov, président de l'Institut russe d'évaluations stratégiques. La question serait donc désormais de savoir lequel des deux hommes prendrait le dessus sur l'autre, la Constitution donnant l'essentiel du pouvoir au Président, mais Vladimir Poutine disposant, du moins jusqu'à présent, du soutien des « siloviki », les responsables des services chargés de la sécurité du pays. Dans un pareil cas de figure, la continuité politique et économique mise en exergue serait-elle préservée ? Certains dans les médias et les milieux d'affaires s'évertuent à déceler les prémices d'une politique plus libérale, au détour de déclarations et de prises de position passées de M. Medvedev. Autre inconnue liée à l'actualité immédiate, le lendemain de la présidentielle ne sera-t-il pas marqué par une énième crise avec l'Ukraine, sommée une nouvelle fois de régler sa dette gazière avant demain lundi ? Faute de quoi le géant russe Gazprom menace de réduire d'un quart ses livraisons de gaz. Une chose est en tout cas sûre : ces dernières semaines, Dmitri Medvedev a été omniprésent en Russie. Conséquence, les trois autres hommes en lice, le communiste Guennadi Ziouganov, l'ultranationaliste proche du Kremlin Vladimir Jirinovski et le pro-européen Andreï Bogdanov sont condamnés à jouer les figurants, ils n'obtiendraient respectivement aujourd'hui et d'après les derniers sondages que 9%-16%, 7%-14% et 1%. Tandis que le premier vice-Premier ministre Medvedev est crédité de 61 à 80% des intentions de vote... Quant à l'opposition libérale, qui n'a pas pu enregistrer de candidat à la présidentielle, elle devait remettre, hier, à la Commission électorale plus de 5000 signatures de personnalités et de simples citoyens refusant « de participer à cette farce » électorale. Même les Occidentaux semblent se rendre à l'évidence que le choix est déjà fait, avec le consentement de l'électorat russe, sans savoir dans quelle proportion. Forte de ces certitudes, la Russie se déclare « ouverte » aux observateurs de l'OSCE et ne comprend « toujours pas » l'annulation par cette organisation de sa mission d'observation, a affirmé le vice-président de la Commission électorale russe, Igor Borissov. Le président russe, Vladimir Poutine, s'en était pris à l'organisation après l'annonce de cette annulation, déconseillant à quiconque de « lancer un ultimatum à la Russie » et soulignant que « dans les documents signés par la Russie » en tant que membre de l'OSCE, il n'était « écrit nulle part combien de personnes (...) et sur quelle période ». Visiblement, une péripétie sans la moindre conséquence sur cette élection et sur la Russie. Attendons donc la suite.