Si la contestation sociale persiste depuis des mois, c'est parce que la situation des travailleurs ne cesse de se dégrader. Le gouvernement donne l'impression d'être dépassé et de ne pas savoir comment s'y prendre pour désamorcer la crise. Hier encore, le président du Conseil de la nation a rebondi sur la contestation des syndicats autonomes pour défendre la position du gouvernement. Les syndicats autonomes promettent de reprendre le chemin de la contestation. Face à cette persistance du conflit social, le gouvernement fait preuve, selon de nombreux observateurs, de manque d'imagination, d'incapacité à agir, à trouver la bonne solution au bon moment. Ne sachant plus quelle démarche suivre, il s'agite dans tous les sens. Tentant d'absorber le mécontentement des fonctionnaires quant à la nouvelle grille des salaires, le gouvernement de Abdelaziz Belkhadem institue une indemnité supplémentaire variant de 1500 à 3200 DA. Mais cela demeure en deçà des aspirations de quelque 1,5 million de fonctionnaires. Le chef du gouvernement se précipite également à annoncer l'application des augmentations de salaires dès le mois courant (mars) pour freiner l'élan du front social, marqué par des grèves cycliques. Cela alors que les statuts particuliers ne sont pas encore adoptés. Mais cette annonce reste sans écho et les travailleurs n'y croient pas trop. La contestation s'inscrit dans la durée. Il s'attaque ainsi à ce qu'il considère comme la source du problème : les syndicats autonomes. Il piétine ainsi le droit constitutionnel à la grève à ces syndicats agréés dans leur majorité qui défendent les intérêts des travailleurs qu'ils représentent. Le gouvernement, par exemple, qualifie la grève des 24, 25 et 26 février dans le secteur de la Fonction publique d'« agitation infondée ». Il saisit même la justice qui déclare cette grève illégale. La même procédure a été déjà suivie pour mettre fin à la grève des paramédicaux les 17, 18 et 19 février. Aussi, des sanctions ont été prises contre des contractuels grévistes et des syndicalistes. La tension monte d'un cran. Ne voulant pas jeter de l'huile sur le feu, le chef du gouvernement rassure qu'aucun fonctionnaire ne sera licencié. Mais il affirme en même temps que des mesures disciplinaires vont être prises contre les grévistes, évoquant la réglementation en vigueur. Cela ne dissuade pas les syndicats autonomes à poursuivre leur marche. Au contraire, ils se montrent de plus en plus résolus à aller jusqu'au bout de leurs revendications. En face, le gouvernement donne l'impression d'être dépassé et de ne plus savoir comment s'y prendre pour désamorcer la crise. En tout cas, son agacement est très perceptible. Hier encore, Abdelkader Bensalah, président du Conseil de la nation, a jugé nécessaire de rebondir sur la contestation portée par les syndicats autonomes non pas pour défendre la liberté syndicale, mais pour défendre la position du gouvernement qui refuse d'ouvrir des négociations avec eux. Ainsi, M. Bensalah, membre influent au sein du RND, conteste le recours à la grève par ces syndicats, estimant que le gouvernement fait le nécessaire pour « améliorer » la situation socioprofessionnelle des fonctionnaires. Pour ce deuxième personnage de l'Etat, derrière ce mouvement de protestation sociale « se cachent des desseins autres ». Abdelmadjid Sidi Saïd, patron de la centrale syndicale, multiplie rencontres et sorties médiatiques pour tenter, de son côté, de rassurer les travailleurs et de les dissuader de suivre le chemin de la contestation. En vain. Si la contestation sociale persiste depuis des mois, c'est parce que la situation des travailleurs ne cesse de se dégrader. Avec surtout l'incessante flambée des prix des produits alimentaires dont l'huile de table devenue inabordable. La réalité est là. Difficile de s'en cacher.