Les Espagnols votent aujourd'hui pour le renouvellement de la chambre des députés et tout laisse croire qu'il n'y aura pas de changement fondamental, le président sortant étant quasi-sûr de la victoire de son parti, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Toutefois, José Luis Rodriguez Zapatero met en garde contre l'excès de confiance de ses partisans, les appelant à voter en masse ce dimanche. Les Espagnols croisent donc les doigts comme il est d'usage lors de chaque consultation, sauf en ce qui concerne la violence qui a fait irruption dans la campagne, avec l'assassinat vendredi d'un élu municipal socialiste, dans un attentat attribué par les autorités espagnoles aux indépendantistes de l'ETA. Isaias Carrasco, ancien conseiller municipal de Mondragon, a été froidement abattu par balles, alors qu'il sortait en début d'après-midi de son domicile de cette petite ville basque, en compagnie de sa fille et de son épouse. Condamnant cet « attentat criminel », le chef du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero, a martelé que les Espagnols ne laisseraient pas l'ETA « interférer » sur le scrutin. M. Zapatero avait lui-même été élu, il y a quatre ans, à la surprise générale, trois jours après les meurtriers attentats perpétrés par des radicaux islamistes contre des trains de banlieue à Madrid (191 morts), la pire tragédie terroriste ayant jamais endeuillé l'Espagne. « Les terroristes ont voulu interférer dans la manifestation de la volonté pacifique des citoyens convoqués aux urnes. Mais la démocratie espagnole a démontré qu'elle n'admettait pas les défis de ceux qui s'opposent à ses principes de base et à ses valeurs essentielles », a assuré M. Zapatero, le visage crispé. Sitôt informé, M. Zapatero était rentré en catastrophe à Madrid depuis Malaga (sud) où il était en campagne. Il s'est rendu en soirée à Mondragon pour rencontrer la famille du défunt et des dirigeants socialistes basques. Son rival conservateur Mariano Rajoy s'est également rendu à Mondragon après avoir condamné fermement à Madrid « ce nouvel assassinat des terroristes » et lancé un appel à l'unité pour « vaincre » l'ETA. M. Rajoy s'était radicalement opposé à la négociation manquée de 2006 entre le gouvernement socialiste et l'ETA qu'il a qualifiée récemment de « pire échec de la législature ». Le PSOE, favori des législatives, et le Parti populaire (PP, droite) de M. Rajoy ont d'un commun accord décidé de mettre fin à la campagne électorale avec quelques heures d'avance sur la clôture officielle vendredi à minuit. Les partis et syndicats espagnols ont exprimé dans une résolution unitaire leur « condamnation la plus ferme » de l'assassinat et invité « les citoyens à répondre à ce crime avec sérénité et fermeté démocratique ». « C'est un acte sauvage, point. Nous en avons ras-le-bol de la violence de l'ETA (...). Nous en avons assez qu'elle agresse le peuple basque en assassinant nos enfants et en tachant notre nom », a pour sa part réagi le chef du gouvernement autonome basque, le nationaliste Juan José Ibarretxe. Le groupe armé, responsable de la mort de 822 personnes en 40 ans, a perpétré pendant la campagne deux attentats à la bombe au Pays Basque, sans faire de victime. M. Zapatero a adopté une ligne d'extrême fermeté contre la mouvance indépendantiste basque après l'échec de ses négociations de paix avec l'ETA. En ce qui concerne ce scrutin, M. Zapatero a mis en garde contre tout excès de confiance, tandis que son rival de droite a battu le rappel des indécis. Selon le journal catalan El Periodico, les « données » dont disposent les stratèges socialistes montrent un « mouvement d'accordéon dans l'évolution des intentions de vote » et laissent ouverte la possibilité d'un résultat très serré. Ces élections auront par ailleurs valeur de test pour des nationalistes basques en mal d'avenir après l'échec du « processus de paix », la reprise des attentats de l'ETA et le rejet par Madrid d'un récent plan à tonalité souverainiste du chef du gouvernement régional. La rupture de la trêve de l'ETA s'est accompagnée d'un durcissement de la justice espagnole sur son bras politique, Batasuna, interdit depuis 2003 : la presque totalité de sa direction est aujourd'hui sous les verrous et deux partis satellites, ANV et PCTV, ont été écartés du scrutin du 9 mars. Batasuna appelle du coup à une « abstention active » pour faire « face à un Etat espagnol où il n'y a pas de conditions démocratiques ». C'est pourquoi, ces élections s'annoncent particulières. Et c'est ce qui explique aussi bien la mise en garde des différents leaders politiques, que les attentes de formations d'envergure locale, mais qui ne sont pas sans importance pour l'avenir de l'Espagne.