Le journaliste Noureddine Boukraa, du quotidien régional arabophone Ennahar, court un danger certain, selon ses propres déclarations. Son avocate, Me Boukhari Lamia, confirme la gravité des trois chefs d'accusation retenus à son encontre. Il s'agit de « divulgation du secret de l'instruction par l'utilisation de documents classés confidentiels », d'« atteinte à l'honorabilité d'un corps constitué » et enfin de « diffamation ». La plainte a été, selon Boukraa, introduite par le chef de la sécurité publique, le nommé Draï Messaoud. Les chefs d'accusation ont été confirmés mardi 4 mars par le juge chargé de l'instruction de cette affaire. Ce dernier n'a cependant pas suivi le procureur de la République près le parquet de Annaba qui préconisait l'incarcération du journaliste qui a néanmoins été mis sous contrôle judiciaire, le contraignant à se présenter chaque samedi au parquet en attendant le procès. Il lui est en outre interdit de quitter la région de Annaba et le pays. Cette action en justice contre le chef de bureau du quotidien Ennahar a été engagée suite à la publication, le 12 novembre 2007, d'un article qui faisait état d'informations d'une grande gravité et qui mettaient en cause des hommes de la DGSN dont des officiers supérieurs. L'article était basé en grande partie sur une documentation, y compris des photos fournies par un ex-patron des Renseignements généraux (RG) qui était alors sur le point d'être jugé le 12 novembre 2007. Il est à signaler que cette documentation avait été adressée, précise le journaliste, à la présidence de la République, aux ministères de la Justice et de l'Intérieur. Ce dossier et ces photos révélaient une situation inquiétante au niveau de toute la région de Annaba et qui, si ces données venaient à être confirmées, mettraient en cause non seulement des institutions de souveraineté mais ébranleraient l'édifice étatique. Selon le journaliste, c'est pour de telles raisons que l'on n'a pas hésité à faire condamner l'officier supérieur des RG qui a écopé de trois ans de prison. Si l'on est allé jusqu'à faire condamner un officier des RG, qu'en serait-il d'un journaliste ? Le 12 novembre 2007, Boukraa est arrêté et mis sans ménagement en prison durant une nuit. Il découvrira le lendemain qu'il a été enfermé sur la base d'une plainte pour diffamation déposée deux ans plus tôt par un industriel. Depuis quand emprisonne-t-on sans jugement des journalistes sur la base d'une simple plainte en diffamation ? Cette démarche qui a eu ses beaux jours du temps du parti unique et des années rouges est-elle donc de nouveau une pratique d'intimidation et de pression ? Le 18 novembre 2007, une escouade composée de pas moins de 8 agents de la police judiciaire investissent le domicile de Noureddine Boukraa pour, dit-il, tenter de récupérer les documents qui décrivaient la situation de la région de Annaba. Ils repartent bredouilles mais pas pour longtemps. Le journaliste, dit-il, contraint « à restituer les documents (…) à la police judiciaire, arguant les besoins de l'enquête ». Aujourd'hui, Boukraa risque une lourde peine de prison au vu des chefs d'accusation retenus contre lui. Ce n'est cependant pas le plus inquiétant. Le journaliste avance que depuis novembre « des menaces de mort et de liquidation physique de ma personne et de ma famille n'ont jamais cessé par téléphone et même par courrier, comme si les auteurs de ces menaces veulent me faire comprendre qu'ils connaissent mon adresse et qu'il peuvent débarquer quand ils veulent pour exécuter leurs menaces ». Comble de malchance, Boukraa n'a plus le soutien de la direction d'Ennahar. Contacté hier par téléphone, Anis Rahmani, le responsable de la publication ce journal qui, lui, n'est pas poursuivi, a affirmé avec aplomb que « Boukraa est un ex-journaliste d'Ennahar qui n'a plus de contact avec sa rédaction depuis décembre 2007 ».