Huit heures après l'ouverture du procès, c'est la fin de la plaidoirie de la défense et du réquisitoire de la partie civile. Le tribunal interrompt l'audience pour délibérer. A 20h, le verdict tombe : trois mois de prison ferme avec saisie de la marchandise volée et des deux Toyota des « touristes ». Outre cette peine, les cinq inculpés sont condamnés à payer une amende de 5,2 millions de dinars (la valeur de la marchandise saisie) et à verser à l'OPNT une somme de 30 millions de dinars. La partie civile a demandé auparavant l'application de la la loi 98-04 et le versement d'une amende de 10 millions de dinars. Quant à la juridiction douanière, elle a demandé la saisie des pièces archéologiques volées et celle des deux 4x4 Toyota appartenant aux accusés, le versement de quatre fois la valeur de 5,2 millions de dinars ainsi que l'expulsion des accusés du territoire national. Le procès a commencé vers 12h30. Les cinq touristes allemands, accusés de pillage et d'infraction à la réglementation régissant le parc national du Tassili, arrivent au tribunal de Djanet. Ils sont conduits au banc des accusés. Ils semblent en bonne santé. Leur avocat, Me Bouchaïb, venu d'Alger, est là depuis ce matin. Il paraît serein. « Je suis confiant, car ce ne sont pas des pilleurs, mais plutôt des aventuriers. Si Hellmeler Ernst est venu plusieurs fois dans le désert, c'est par amour et passion », nous dit-il avant le début du procès. Me Bouchaïb avoue qu'il a « peur que la décision de la justice ne soit influencée par des pressions politiques ». Le président de l'audience entre dans la salle. Il appelle les mis en cause un par un et par leur nom. Ils se mettent debout à la barre pour répondre aux questions du juge et du procureur de la République. Le corps du délit est établi sur une table devant le juge. Le témoin, Azzedine Chabrou, est aussi là. La partie civile est constituée du directeur de l'Office du parc national du Tassili (OPNT), Ambes Hocine. Le juge lit les trois chefs d'inculpation pour lesquels les cinq prévenus sont poursuivis. Tabechi Mahmoud, interprète agréé, reprend les propos du juge en allemand. Il s'agit de tentative de trafic illégal de marchandise interdite, infraction au décret 87-88 portant réglementation régissant l'ONPT et vol. Hellmeler Ernst, technicien, 53 ans, Kellner El Friede Maria, infirmière, 44 ans, Wolf Elsabeth, chercheuse dans un institut allemand de protection de la végétation et des plantes, 56 ans, Lehman Dirk, technicien supérieur, 38 ans, et enfin Grahammer Wofzang, technicien en mécanique des machines, 43 ans, sont poursuivis en justice sur la base des articles 21, 51, 317, 318 bis, 324 et 328 du code des douanes, les articles 9, 10, 17 et 25 du décret présidentiel 87-88 portant réglementation régissant le parc du Tassili ainsi que l'article 350 du code pénal. Ensuite, les cinq mis en cause seront entendus à tour de rôle. Le juge interroge Ernst, celui qui est présenté comme le chef du groupe : « Pourquoi étiez-vous sortis sans guide ? » Hellmeler Ernst répond : « Le guide paraissait un peu malade. En plus, il ne parle pas allemand. Donc, nous nous sommes entendus pour sortir sans lui. Nous l'avons donc avisé et il a donné son accord. » « Aviez-vous une destination précise ? », a ajouté le juge. « Non. Pas tout à fait. Nous voulions partir dans l'erg Admer, mais aussi profiter de la beauté du Tassili », répond le prévenu. « Connaissiez-vous la zone dans laquelle vous vouliez effectuer votre visite ? », reprend le président de l'audience. « Nous utilisions les cartes, avec l'appareil GPS », répond-il. « Saviez-vous que l'erg Admer fait partie du parc du Tassili ? », demande encore le juge. « Non », dit Ernst. Ce dernier a nié le fait qu'il a ramassé des pièces archéologiques dans l'intention de les voler, puis les vendre. « J'ai ramassé avec mes compagnons des objets et des pièces parce que je les ai trouvés beaux et attirants dans le but de les garder chez moi comme souvenirs de la région », souligne-t-il. A la demande du procureur de la République, les cinq mis en cause disent qu'ils ne savent pas que ces pièces ont une « valeur historique importante et (que) le ramassage des objets dans le Tassili est interdit ». Selon eux, le guide ne les a pas informés qu'il faut être accompagné à chaque sortie dans le désert. Ils soutiennent également que peut-être il y a eu « un malentendu entre eux et le guide qui ne parlait ni allemand ni anglais », précisant qu'aucun parmi eux ne comprenait l'arabe ou le français. Répondant aux questions du juge et de la partie civile, les prévenus étaient unanimes à dire : ils n'avaient à aucun moment l'intention de voler des choses en venant à Djanet, mais au contraire ils étaient animés par un « rêve », visiter cette région désertique qui est très belle. Après les différentes interventions des cinq « touristes », qui ne cessaient de répéter qu'ils ignoraient la réglementation de l'OPNT, Me Bouchaïb entame sa plaidoirie. « Ces gens que vous voyez ici ne sont pas des pilleurs. Ils n'avaient même pas l'intention de voler. S'ils sont à Djanet, c'est pour découvrir cette région, apprécier ses paysages et se détendre dans son calme. Vous n'avez qu'à jeter un coup d'œil sur leur CV. Ils ne font pas partie d'une bande de pilleurs », a-t-il souligné. Selon lui, c'est la faute au guide qui ne les a pas bien informés, car il a un problème de langue. L'avocat de la défense a plaidé ainsi non coupable et a demandé des circonstances atténuantes pour ses mandants.