Une pièce de Mohamed Kacimi, 1962, parcourt grâce à deux comédiens le Languedoc-Roussillon. La troupe Loco Compagnie de Perpignan, développe des animations dans les quartiers populaires et défavorisés de la ville. Le principe est d'aller à la rencontre des populations reléguées dans des zones urbaines où l'accès à la culture reste problématique pour les initier aux pratiques théâtrales. Les deux comédiens, Jean-Michel Castellarnau et Marie-Pierre de Bures, organisent des ateliers pour permettre aux jeunes d'affirmer des vocations latentes. Dans cet esprit, ils ont choisi pour 2008 de monter une pièce adaptée d'un texte de Mohamed Kacimi, qui était cette semaine à Alger pour deux rencontres au CCF. Le choix de la pièce, 1962, publiée en 1998 aux éditions Actes Sud n'est pas fortuit car il rejoint la thématique de l'exil que connaît un grand nombre de jeunes avec lesquels ils travaillent. Quelques représentations à Montpellier pour rôder le spectacle ont montré une manière très pertinente d'aborder ce texte émouvant. Avec peu d'accessoires et un décor très simple, le public a pu apprécier les grandes qualités dramaturgiques de Mohamed Kacimi. Le titre de la pièce fait d'abord référence à l'indépendance de l'Algérie. Mais les deux protagonistes de la pièce, Gharib et Nadia, nés dans une confrérie religieuse célèbre, vivent au présent tout en restant attachés à ce passé tumultueux de guerre et de privations. Ils se rencontrent à Marseille après s'être perdus de vue pendant presque vingt ans, se souvenant que leurs parents avaient refusé d'accepter leur amour réciproque. Sur les quais de la Canebière, le passé revient, violent comme le ressac des vagues. Gharib, le rebelle, s'acharne contre ce passé et ses aïeux, les rendant responsables de l'avoir privé de l'amour de sa vie. Nadia qui joue l'apaisement, essaye de soustraire à ce passé honni ce qu'il avait en lui de beau et de tendre. Le temps n'a pas effacé les stigmates de cet amour, mais Nadia succombe à l'appel de la terre natale, laissant Gharib sur le quai de ses récriminations. Ce dernier essaye de la retenir pour la préserver du terrorisme qu'a connu l'Algérie durant les années 90. Nadia, malgré les supplications de Gharib, monte dans le bateau du retour. L'introduction de séquences vidéo dans le spectacle apporte à la pièce un éclairage historique qui permet au spectateur de comprendre certaines situations. Le jeu sobre et plaisant des acteurs restitue au texte toute sa dimension lyrique.